La
fécondité intérieure
Qui mieux que l'auteur du Symbolisme du corps humain
pouvait nous faire partager l'appel de la gestation intime ?
Est mâle ou femelle
celui qui se souvient de l'autre
côté de lui-même.
Annick de Souzenelle : Nous avons tous à "Devenir"...
L'Homme d'aujourd'hui n'est pas l'Homme définitif. Pour l'instant l 'Homme est
très identifié à son inconscient... Mais une lente montée de conscience se fait
depuis le début des temps et se fera jusqu'à la fin des temps. L'Homme est
comparable à un arbre qui grandit et dont la sève monte. Le thème de la
fécondité est donc essentiel. Mais on a trop longtemps confondu le fruit de cet
arbre, et donc l'objet même de la fécondité, avec l'enfant qu'un couple met au
monde. L'enfant est béni, mais il n'est pas le but, il n'est pas le fruit. Dans
mes ouvrages, j'ai souvent mis l'accent sur ce qui est dit de la création de
l'Homme - de l'Adam - dans la Genèse: "A l'image de Dieu" et"
mâle et femelle il est créé". Il est bien entendu qu'à un tout premier niveau,
celui du sixième jour qui voit aussi l'apparition des animaux de Terre, Adam
est comme ces derniers, "mâle et femelle", dans les catégories
biologiques, et voué à la procréation. Mais à un autre niveau qui fera l'objet
du septième jour, l'Homme en tant qu'image de Dieu est appelé à faire un
passage essentiel dans la réalisation de cette image, et le vocable "mâle
et femelle" prend alors une tout autre signification: est "mâle"
celui (ou cela) qui "se souvient" de cet autre "côté" de
lui-même (et non d'une "côte" !) lourd de l'image divine; il s'agit
dans ce pôle "femelle", d'un féminin intérieur à tout être humain,
côté voilé de lui parce qu'encore inconscient mais riche d'un potentiel inouï.
Epouser ce féminin-là pour faire grandir "l'image" - comme grandit en
effet un enfant dans un ventre maternel - pour atteindre à la
"Ressemblance à Dieu", est alors la vocation réelle de l'Homme
(hommes et femmes). Nous pouvons prolonger l'analogie et dire que l'état de
"Ressemblance" est celui d'un enfant intérieur prêt à naître au
neuvième mois d'une gestation essentielle. A ce terme, ce qui n'était que
potentiel est réalisé, l'inconscient est transmuté en conscience. L'arbre a
donné son fruit : l'Homme déifié.
Là est la vraie fécondité.
Malheureusement, je lis encore aujourd'hui de nombreux ouvrages de théologiens
qui continuent de confondre ce féminin des profondeurs en chacun, avec la femme
extérieure qu'alors on voile d'une façon ou d'une autre...
Nouvelles Clés : L'humanité s'est donc arrêtée là, et les églises participent à ce
réductionnisme !
A.D.S : Oui, les instances religieuses se sont dramatiquement arrêtées
là ! En Occident, jusqu'au concile Vatican II, le mariage n'a eu pour finalité
que la procréation. Un couple sans enfant était terriblement culpabilisé. Non
moins culpabilisante était l'union accomplie hors de ce propos. Navrant !
N .C : Vous venez de dire que l'homme est à devenir... à devenir Homme
vraiment... A travers la rencontre amoureuse, sorte d'état d'illumination,
n'a-t-on-pas, insconciemment, l'impression qu'enfin l'être aimé va nous aider à
faire fleurir en nous ce germe d'humanité que nous n'arrivons pas à faire
émerger seul ? La relation de couple peut-elle être une voie d'évolution vers
ce Devenir dont vous parlez ?
A.D.S : Être amoureux tient d'une magie dont la folie, en l'homme ou en
la femme, résulte de cette même "montée de sève" que j'évoquais tout
à l'heure. Mais, en l'occurrence, cette montée de sève est totalement investie
"à l'horizontal", récupérée dans les relations humaines ; elle ne
fait plus l'objet du mariage intérieur qui,lui, assure la verticalisation de
l'être et le conduit jusqu'à l'expérience de la "folie en Dieu".
En l'Homme, cette sève est la puissance de l'Eros, de source et de finalité
divine, mais dont une partie dessert, si j'ose dire, les étages intermédiaires:
la vie génitale et l'ordre affectif s'en nourrissent, mais se voient
transformés par un appel plus puissant encore, celui des épousailles divines.
En profondeur, la vie de l'Homme n'est que nous ! Mais lorsque les ordres
intermédiaires captent toute la sève et qu'ils s'octroient la dimension
d'Absolu, qui n'est qu'en Dieu, les lendemains sont désenchanteurs, pour ne pas
dire parfois très douloureux ; chacun des deux partenaires, coupé de lui-même -
étranger à cet autre "côté" de lui-même - exige
de l'autre un absolu et s'irrite de ce qu'il ne le lui apporte pas. Il s'agit
là d'un jeu hélas
inconscient !
Mais lorsque l'Homme devient conscient, cette magie de l'amour de deux êtres
peut admirablement contribuer à la transformation intérieure de chacun. Lors
qu'ils replacent cette poussée de sève dans le souffle de l'appel divin, ils ne
vivent pas là des forces contraires, mais des étapes différentes d'une même
force, dont l'une illumine l'autre.
Une transcendance nous habite, qui transforme tout ; je dirais que nous devons
nous laisser envahir par elle. En ce sens, le mariage n'est pas une moins
grande ascèse que les autres formes de vie, celle du moine ou du célibataire;
toutes ont le même but. Mais le mariage en est une icône directe.
Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de replacer toutes ces valeurs
dans leur vraie lumière. Il nous faut une exigence autre...
N.C : Peut-on voir à travers le symptôme du divorce, qui se développe de plus
en plus, le symbole précisément,de cette autre exigence ? Par exemple, un début
de prise de conscience que l'autre ne peut pas faire le travail intérieur à
notre place, et que la recherche du bonheur à l'extérieur de soi n'est
qu'illusion ?
A.D.S : Je ne sais si nous pouvons poser le problème de cette façon. Je
crois que la multiplication des divorces est encore une réaction aux interdits
d'autrefois. Nous arrivons à la fin d'un monde qui était basé sur une éthique
morale. On ne divorçait pas, c'était interdit par l'Église d'Occident. Cette
Loi faisait partie intégrante de l'éthique, mais celle-ci est en train de
s'effondrer. On n'a pas encore reconstruit pour autant un autre paradigme.
Aujourd'hui on ne veut plus obéir à une loi, mais comprendre le sens. Je crois
que les divorces font partie de ces conflits auxquels on croit pouvoir donner
une solution en les contournant.
N.C : Je suis peut-être trop optimiste en disant cela...
A.D.S : Oui, peut-être. Si deux êtres qui se séparent ne se remettent
pas totalement en question, ils risquent de reproduire la même situation par la
suite. S'ils se remettent en question, ils peuvent parfois reconstruire une
relation à un autre niveau de l'amour. Ce n'est plus la folle magie du premier
jour, mais c'est beaucoup plus profond.
N.C : Vu ainsi, le divorce est la preuve de notre grande irresponsabilité
face à nous-mêmes... La seule aide véritable doit venir de nous...
A.D.S : Vous avez raison. Mais Je vous arrête sur le mot
"aide" qui, justement, apparaît dans la Bible au 2ème chapitre de la
Genèse. "Dieu dit: il n'est pas bon qu'Adafi soit seul, faisons une aide
semblable à lui".
Cette traduction est mauvaise sous bien des aspects, mais surtout en ce qu'elle
qualifie l'aide ; il n'est pas possible de traduire par "semblable
à", il serait plus juste de parler d'une "aide capable de communiquer
avec lui", ou encore "d'être son face à face". C'est alors que
Dieu fait découvrir à Adam cet autre "coté" de lui-même - et non sa
"côte" comme je l'ai dit tout à l'heure - cette part de lui qu'il
devra épouser, son féminin intérieur.
Adam - chacun de nous - ne peut que trouver aide en lui-même, en entrant en
communication avec lui-même, avec cette part sacrée de ses profondeurs.
N.C : En partant de ce constat, comment l'homme et la femme, dans la vie de
couple, peuvent-ils cheminer ensemble et s'aider à réaliser ces épousailles
intérieures ?
A.D.S : Ce n'est que dans la mesure où l'on communique avec soi-même que
l'on peut communiquer avec l'autre à l'extérieur. Cet "autre
extérieur" est toujours représentatif de "l'autre intérieur" à
soi. L'accepter dans sa totale différence, c'est s'accepter soi-même. Seule
cette vraie communication nourrit l'amour. Lorsqu'elle n'existe plus, l'amour
meurt.
C'est ce que signifie le "ils n'ont plus de vin" - plus de
réjouissances - que Marie fait discrètement remarquer à Jésus dans l'épisode
des "Noces de Qanah" que rapporte l'évangéliste Jean. L'eau que Jésus
transforme alors en vin pour continuer la fête, un vin d'un nectar
incomparable, est symboliquement de l'inconscient transformé en conscient, un
amour humain encore assez animal qui prend dimension divine.
Jésus vient alors renvoyer le Satan. Nous, de même, devons renvoyer tous nos
démons,
et tout d'abord accepter de les voir, de les nommer et de travailler à leur
retournement. C'est cela, la communication avec soi-même, et le commencement
d'un travail intérieur. Adam, laboureur de la Terre, doit travailler avec toute
sa terre intérieure. Alors vient la fécondité !
N.C : Nous vivons dans un siècle où, depuis la libération sexuelle, le corps
est montré partout. Le corps est exposé, vendu, commercialisé... Par les films
pornographiques, de plus en plus répandus, on peut "voir " l'amour,
"apprendre " l'amour ; l'acte d'amour est devenu une "chose
" sans intimité, une image, un objet de consommation ... Ne sommes-nous
pas allés trop loin ? Cet étalage du "corps-chose " n 'est-il pas
dangereux au point de nous faire totalement oublier l'Esprit qui vit à
l'intérieur ?
A.D.S : Actuellement, nous vivons du réactionnel par rapport aux
interdits d'avant, mais nous sommes aussi tombés dans une autre aliénation! Et
vous avez raison, l'amour n'importe comment, avec n'importe qui, est aussi faux
et aussi aliénant, si ce n'est plus, que les refoulements que dénonçait Freud.
Je crois qu'il faut rendre au corps sa beauté, sa grandeur...
N.C : Le poète Novalis, amoureux de l'amour, dit : "Il n 'y a qu'un
temple au monde et c'est le corps humain.."
A.D.S : Je ne serais pas aussi absolue! Le cosmos aussi est un temple -
la Maison que j'habite... Tout peut être temple si j'y contemple la présence
divine.
Le corps ne doit pas être idolâtré; il sera transformé en corps spirituel avec
la déification de l'Homme intérieur; il inscrit dans la moindre de ses cellules
toute transformation de l'être ; il est un témoin.
N.C : Alors, quelle est ta voie du milieu, celle qui chemine entre les
interdits et la déification ?
A.D.S : C'est le "chemin qui a un coeur" dont parle l'autre
poète, Daniel Pons : "Le chemin des profondeurs où chaque chose est reliée
au Verbe divin qui la fonde." Si nous ne voyons pas derrière le moindre
brin d'herbe sa relation à l'archétype divin dont il procède, nous sommes dans
un non-sens absolu. Avant tout, il nous faut retrouver la respiration qui unit
la terre au ciel et l'Homme à Dieu.
Parce que nous ne sommes plus dans ce souffle, nous sommes dans une effroyable
confusion. Coupés du monde divin, nous sommes dans la même situation que celle
du déluge. "Maboul" est le déluge en hébreu. Nous sommes tellement
concernés que nous en avons gardé le mot français! Il signifie l'anarchie la
plus totale - l'Homes coupé des archétypes. Celui qui rentre dans l'arche, Noé
- et nous sommes tous appelés à devenir des Noé, rentre dans le souffle, dans
la respiration exaltante de la vie divine, et il s'accomplit.
Dans l'arche (notre arche intérieure), toute chose reprend sa vraie place, y
compris le corps de l'Homme.
« Ne te courbe que pour aimer. Si tu
meurs tu aimes encore. »
Réné Char
N.C : Dans un couple, il arrive que l'homme ou la femme ( c'est le plus
souvent la femme), ait un peu plus de conscience de la nécessité de ces noces
intérieures... Une personne peut-elle, par contagion, transformer l'autre ?
A.D.S : Là est la grande difficulté ! Je dirais même l'Épreuve! On peut
marquer une distance avec les amis quand on ne parle plus le même langage
qu'eux, mais que faire avec le conjoint quand il n 'y a plus cette
communication possible parce qu'on ne participe plus du même niveau de
conscience ? Un vrai mariage, dans le sens sacramental du terme, devrait
résister à pareille épreuve. Il est alors essentiel que l'un des époux ne fasse
pas pression réductrice sur l'autre, et que cet autre non seulement n'entre pas
dans le piège du mépris, mais que son amour devienne patience, compréhension,
acceptation... C'est le but de son travail intérieur que de le conduire vers un
degré de conscience plus élevé encore, car tel est le chemin ! Alors, en effet,
plus celui-là développera cette qualité, plus le chemin se fera pour l'autre,
car une sorte de "transfusion sanguine" unit les deux.
Mais, si l'un des deux n'a pas "décollé" de son labyrinthe
d'inconscience et s'il ne supporte pas l'avancée de l'autre, il peut parfois
être agressif, culpabilisant, voire destructeur. A ce moment-là une séparation
est quelquefois nécessaire. Mais le chemin que poursuit "l'éveillé"
peut aussi continuer de jouer un rôle pour la transformation de son conjoint.
Il est difficile de parler de ce sujet en termes de généralité ; seule une
écoute intérieure à chacun, dans le secret de sa personne, peut dicter la route
à suivre. Nul ne peut juger de la décision de l'autre, dont il est seul à être
éclairé et seul responsable.
Mais, quand la décision et l'attitude sont justes, ce que vous appelez
"contagion" et que j'appelle véritable "transfusion" d'un
sang subtil, oeuvre d'une manière admirable. Dans notre génération actuelle
c'est en effet la femme qui, généralement, s'éveille plus que l'homme. Il y a
de nombreuses raisons à cela, de l'ordre de la nature ainsi que de la culture -
pour reprendre des catégories chères à nos temps modernes ; quelquefois, c'est
le cas contraire, mais en général l'homme fuit beaucoup cette exigence
intérieure ; il se cache inconsciemment derrière ses fonctions familiales,
professionnelles, voire "initiatiques" et sarcerdotales... Il fuit aussi
la femme qui l'oblige à sortir des schémas rassurants d'autrefois.
Aujourd'hui la femme est très seule. Mais lorsque l'homme entendra enfin le
message des profondeurs, l'humanité fera un grand bond. C'est la femme qui,
pour l'instant, est génératrice du nouveau paradigme qu'il faut très vite
mettre en place.
N.C : "La femme est l'avenir de l'Homme" écrivait Aragon. . .
Est-elle ta jardinière du Devenir ?
A.D.S : J'ai été longtemps thérapeute et je travaillais avec cette
phrase qu'on trouve dans les actes des apôtres : "L'un sème, l'autre
arrose, Dieu seul fait croître". Et si nous croyons que nous pouvons faire
croître quelque chose ou quelqu'un, nous sommes vraiment dans l'illusion.
Donc, continuons de semer et d'arroser, d'abord en nous-même, parcourons
nous-mêmes le chemin...
N .C : Parfois ta femme s'exaspère facilement de ce que l'homme ne veut jamais
regarder au-dedans de lui- même et fuit sans cesse au-dehors... L'attaquer de
front, lui faire remarquer que ce n'est pas la bonne méthode, il fuit plus
encore... Quelle attitude faut-il avoir ?
A.D.S : Il est certain qu'on se trompe en l'agressant... C'est par toute
notre féminité, notre douceur et beaucoup d'amour que les choses peuvent se
faire, mais que c'est difficile! Quand on se trouve devant un homme qui ne
comprend rien, il est difficile de ne pas être irritée et de manifester
subtilité et douceur...
N.C : Entre ma génération et la vôtre, trente années d'écart. Quels sont les
vrais grands changements que vous avez observés dans la vie des femmes... Il y
a bien sûr eu le féminisme...
A.D.S : D'après la forme qu'il s'est donné, le féminisme est lui aussi
un phénomène réactionnel. Mais, en soi, l'éveil de la femme est dans l'ordre
des choses. J'ai dit dans Le symbolisme du corps humain(1) que, d'une part, une synchronicité liait
cette émergence du féminin à une prise en compte de l'inconscient redécouvert
par Freud - les Pères de l'Église en avaient déjà parlé - et que, d'autre part,
l'arrivée de l'Homme sur la lune est un grand tournant de notre histoire. Pour
reprendre une terminologie biblique, je dirais qu"'une vapeur monte de
terre", qui va commencer à arroser notre sécheresse d'intellect et de
coeur! C'est pourquoi cette forme réactionnelle est en train d'évoluer vers
plus de justesse. Les choses se mettent en place du fait même que la femme, par
son éveil, trouve plus de justesse intérieure. Mais elle est aussi lucide et
découvre les fuites, les multiples cachettes de ses partenaires; elle est
souvent amenée à prendre plus qu'elle ne le voudrait la place de l'homme à
cause des insuffisances de ce dernier !
Et puis, les vieux schémas ne sont pas encore évacués. J'animais l'autre jour
un stage dont un participant me dit: "Mais moi, je permets à ma femme de
faire ce qu'elle veut" !
Sans commentaire, n'est-ce-pas ? Il y a encore beaucoup de chemin à faire... .
N.C : Oui... Aujourd'hui, on rencontre de plus en plus de femmes qui
entreprennent un authentique travail intérieur, et, parfois, l'émergence de
leur être fondamental demande encore une attention consciente et permanente
afin qu'il ne soit plus étouffé sous le poids de ta responsabilité que les
hommes ont fait porter aux femmes depuis le pêché originel !!!
A.D.S : Nous avons été jusqu'ici tellement identifiés à notre
inconscient que, incapables de la voir et de la nommer, nous avons pris cette
Ishah de la Genèse pour la femme, alors qu'elle est le "côté
inaccompli" d'Adam, de chacun de nous donc, dont je vous ai parlé,
c'est-à-dire l'inconscient. Dans le paradis terrestre, Adam est seul, mais un
Adam Ish et Ishah, c'est-à-dire époux et épouse de lui-même à lui-même. De même
aujourd'hui chacun de nous est seul et le serpent s'adresse d'abord à notre
inconscient ; nous sommes alors piégés avant même de le savoir! Le jeu de
séduction est subtil.
Je pense à la femme d'aujourd'hui comme à la lettre Shin de l'alphabet
hébraïque: son idéogramme est un arc tendu à l'extrême avant le départ de la
flèche. Son symbole est donc celui de l'extrême rétention mais aussi celui de
la détente infinie. Nul ne peut dire où la flèche ira, mais elle est partie :
sa course commence et l'axe dans lequel elle se dirige est celui de l'Absolu.
(1) éd. Albin Michel
Son dernier
livre : Résonances Bibliques, édition Albin Michel
site : http://souzenelle.ovh.org/
De l'autre côté d'Adam. par Annick de Souzenelle écrivain et conférencière.
A partir d'une relecture du texte de la Genèse en hébreu, Annick de
Souzenelle rejette l'interprétation traditionnelle et sexiste de l'Eve
"sortie d'une côte d'Adam", et met en avant l'idée d'une
"réalité féminine", appelée Ishah, "l'autre côté d'Adam",
présente en chaque être humain.
Il n'y a jamais eu d'Adam et Eve au
paradis terrestre !
Ce jardin d'Eden, jardin de " jouissance " est au-dedans de tout être
humain, de tout Adam - Adam est l'homme et la femme - lorsqu'il assume ses
normes ontologiques, c'est-à-dire lorsqu'il se retourne au-dedans de lui-même
et qu'il entre en communication avec Ishah, cette " autre
" qui est en lui, son épouse intérieure.
Ishah, dans son union avec Adam,
constitue un aspect du jardin d'Eden.
Lorsqu'il n'est pas tourné vers le dedans de lui-même et dans l'union avec Ishah, l'Homme est en exil ; dans cette situation dite "
de chute ", d'exil, Ishah non épousée peut déterminer
notre enfer ; elle est refoulée dans les profondeurs inconscientes et devient
alors l'objet de la légende de Lilith, dite " la première femme d'Adam
".
Mais que signifie " première " lorsque la scène se joue en amont de
l'exil, c'est-à-dire hors du champ de l'espace-temps historique ?
Dans cette situation d'exil, Ishah l'oubliée reste présente au-dedans de
chaque être humain, jouant tantôt les inspiratrices, tantôt les démones.
Mais sur la scène historique de l'exil, Eve apparaît :
elle est la femme devant l'homme, qui prend le nom d'Adam ; Eve
met au monde l'enfant dans le contexte animal qui nous est commun, mais qui ne
constitue pas la vocation ontologique première du véritable Adam.
Toutes les traditions rendent compte
du drame de cet exil :
Prométhée, chez les Grecs, dérobant le feu du ciel avant d'y
être introduit ; son épouse, Pandore (dont le nom signifie " tous les dons
") ouvrant la boîte interdite et répendant sur le Terre des dons qu'elle
ne sait gérer ; les hommes de la Tour de Babel tournant le dos à leur "
Orient " et faisant une percée dans la plaine de Shinéar (celle " où
l'on crie " et " où l'on titube "), tous sont comme Adam,
prenant le fruit de l'Arbre de la Connaissance, que lui tend Ishah, au lieu d'attendre de le devenir lui-même.
Privilégions notre propre tradition et focalisons notre regard sur le Livre de
la Genèse, que nos traducteurs ont lu à l'aide de leurs lunettes d'exilés.
Les deux premiers chapitres rapportent l'état d'Adam en amont de cette
situation d'exil, dans un espace-temps autre que celui de notre commune
expérience actuelle ; ils faussent donc d'entrée de jeu le discours.
" Au commencement Dieu créa les cieux et la terre ",
disent-ils.
Il ne s'agit nullement du
commencement historique.
Bereshit, ce mot qui, pour les Hébreux,
contient toute la Torah, ce mot intraduisible peut être rendu au moins mal par
" dans le principe ", en arche en grec, in principio en latin ; cette
traduction est préférable, à la condition que nous comprenions que ce "
principe " nous habite en chaque instant.
Cet " instant " - le kairos grec - se rapporte à l'espace de
l'intériorité de l'Homme ; il est le seul moment du temps intérieur avec lequel
puisse s'articuler le temps historique dans son présent - le chronos grec.
La langue grecque possède deux mots pour distinguer ces deux qualités du même
temps :
l'instant de l'intériorité, lourd du " principe "
divin fondateur de l'être, et l'instant du monde extérieur, dont la répétition
banalisante structure le déroulement de l'exil, laissant l'Homme totalement
inconscient, et de plus insatisfait !
Bereshit, ce " principe " en
lequel tout est créé, est encore appelé par la Torah " l'Orient " de
l'être, ou le " très antique ", mais un Orient qui appartient à la
géographie de l'âme et un antique qui se trouve à ses origines ontologiques :
" Dans le principe Dieu créa... "
Ce temps passé du verbe créer
convient tout aussi peu à l'oeuvre divine, qui se joue de toute éternité.
L'éternité n'a rien à voir avec la succession indéfinie de notre temps d'exil ;
temps divin, l'éternité lui est totalement transcendante, mais lui devient
immanente en chaque " instant " de l'intériorité, vécu en communion
avec le " principe " divin de l'être.
Le Nom de " Elohim " est ici révélé pour désigner non pas la Personne
divine, innommable, mais l'Innommable dans sa fonction créatrice.
Enfin, dans ces mots, " Dans le
principe Dieu crée les cieux et la terre ", il s'agit de " cieux et
terre " qui sont à l'intérieur de nous car, si le temps n'est pas celui de
l'exil, l'espace n'appartient pas davantage au monde qui nous est extérieur.
" Cieux et terre " sont, en hébreu, shamaïm (shem,
" le NOM " ; maïm,
" les eaux "), et erets, le " sec ".
" Dans le principe Dieu crée l'humide et le sec ", pourrait-on
traduire, en précisant que l'humide est lourd du NOM,
c'est-à-dire du Verbe divin qui fonde toute chose.
En Adam, l'Homme, qui sera dit plus loin " image de Dieu ", repose le
NOM, " image de Dieu ",
repose le NOM, image de Dieu, dans sa fonction
d'Incarnation, YHWH, " JE SUIS ".
Chaque être humain est un germe de " JE SUIS
", un " JE SUIS en devenir d'être.. ", car tel est le NOM
révélé à Moïse dans son expérience du buisson ardent (Exode 3,14).
" Je suis qui je suis " est une traduction faussée de ce verset, car
le verbe être est employé ici, en hébreu, à la forme inaccomplie.
Ce NOM
secret de chacun est au coeur des eaux comme un enfant dans le sein d'une mère.
Les eaux ne peuvent être saisies, elles symbolisent l'inconnu que les Hébreux
appellent " l'inaccompli ", car elles recèlent un
potentiel d'énergies infini destiné à être réalisé pour construire le NOM.
L'inaccompli est aujourd'hui comme l'inconscient ; par rapport à lui, la terre,
le " sec ", serait le conscient.
La présence du shem (le NOM) dans les maïm (les
eaux), sa puissance amoureuse et créatrice, est source d'une dynamique
ontologique qui appelle les eaux à devenir du sec, l'inaccompli, de l'accompli,
et l'inconscient, du conscient.
Cette dialectique fondamentale s'exprimera dans la suite du texte par :
" ténèbres-lumière ", ou encore " femelle-mâle
", dont nous allons découvrir le véritable sens.
Au Sixième Jour de la Genèse, Adam
est en effet " créé Image de Dieu ", il sera " fait à sa
Ressemblance ".
De l'Image à la Ressemblance s'inscrit la dynamique que je viens d'évoquer ;
elle constitue la vie.
Les physiciens ne disent-ils pas que la vie est actualisation d'un potentiel
d'énergies ?
L'énergie, disent-ils aussi, c'est de l'information.
Les informations qui habitent les shamaïm sont appelées à construire " l'Arbre de la
Connaissance ", dont on ne peut dire qu'il est, dans son principe, celui
" du bien et du mal ", mais plutôt celui " de l'accompli et du
pas-encore-accompli ", ces deux pôles se rapportant au Germe divin que
tout humain porte en gestation, à l'Orient de son être.
Dans la finalité de cet accomplissement, Adam est créé en même temps "
mâle et femelle ".
Nos traducteurs n'ont vu en ces deux mots que l'homme et la femme dans leur
nature animale, celle de l'exil.
Il est vrai qu'Adam est l'humanité toute entière, hommes et femmes, mais la
dimension ontologique de cette double qualité est différente :
est " mâle " celui (ou celle) qui " se souvient
" de sa " femelle ".
(Le mot hébreu zakhor recouvre le
substantif " mâle " et le verbe " se souvenir ").
La femelle n'est autre que les shamaïm (les
cieux), alors appelée adamah dans la fonction matricielle du shem (le
NOM) qu'elle porte.
La adamah est mère (et mer) des profondeurs de tout être humain ;
elle doit être cultivée - ce qui signifie qu'Adam doit faire oeuvre mâle en
elle, en pénétrer chaque énergie, la nommer, la travailler, afin de construire
l'Arbre de la Connaissance et de faire mûrir son fruit, le divin en l'Homme.
Adam a pour vocation de se mettre au monde ; dans ce sens, il a vocation de
maternité.
L'Adam du Sixième Jour, encore
confondu avec sa Adamah, baigne dans les eaux de
l'inconscience ; les énergies de celles-ci, douées d'une vie autonome, jouent à
la place de l'Homme et il ne le sait pas !
Ceci décrit la situation actuelle d'exil dans laquelle l'Homme est maintenu
parce qu'il se détourne de lui-même et de Dieu.
L'Adam du Sixième Jour (et celui de l'exil) est incapable de travailler sa Adamah. " Il n'y a pas d'Homme pour cultiver la terre [Adamah] ", dit le texte du Septième Jour.
Nos traducteurs exilés ont déduit de ce verset de la Genèse l'inexistence de
l'Homme, qui venait cependant d'être créé au Sixième Jour ; ils en ont conclu
que ce deuxième chapitre de la Genèse constituait une autre Genèse, étrangère à
la première ; et la critique historique d'aller bon train !
Or, ce deuxième chapitre de la Genèse décrit un jour où " Elohim se retire
[shabbat] " pour que croisse YHWH, comme un père le fait devant un
fils qui commence à affirmer son identité, car YHWH,
JE SUIS, est l'identité réelle d'Adam, par
laquelle il peut devenir conscient de lui-même.
En ce Septième Jour, un processus de
différenciation s'accomplit entre Adam et sa Adamah ; l'Homme
entre en résonance avec son noyau divin fondateur, il sort de son être
collectif pour devenir sa personne et faire croître son arbre.
Elohim dit :
" l'Homme coupé de lui-même ne peut s'accomplir "
(verset généralement traduit par :
" il n'est pas bon que l'homme
soit seul ").
Elohim initie alors Adam à faire
oeuvre mâle en lui-même, à nommer les animaux (énergies) de sa Adamah pour
transmuter leur peau (ténèbres) en lumière (jeux de mots hébreux intraduisibles):
Elohim fait " communiquer " Adam avec lui-même dans
des " face-à-face " incontournables pour son accomplissement.
Adam cherche le face-à-face total ;
il est alors " endormi " d'un sommeil qui est en
réalité un éveil, au coeur duquel Dieu lui montre la totalité de son autre
côté.
Cet " autre côté " n'a jamais été une côte :
il est le côté " inaccompli ", donc encore voilé, de
l'Arbre de la Connaissance qu'est Adam dans sa totalité ; il est " dressé
" par Dieu, devant cet Adam, en " épouse ", Ishah, dont Adam est l'époux ; Ish.
Ishah est l'autre nom des shamaïm, les cieux, appelés Adamah en
tant que mère des profondeurs et maintenant Ishah, " épouse " d'Adam.
Lorsque Adam découvre son épouse et l'enfant divin qu'elle porte, il vit une
extase et s'écrie :
" Voici celle qui est os de mes os et chair de ma chair
" ce qui en hébreu signifie : " Voici celle qui est la substance de
ma substance [qui se tient cachée sous les apparences] et l'Image divine que je
suis ".
Car la " chair ", basar, " scellée dans les profondeurs de cet autre côté
" est l'Image divine fondatrice, constituée de bar,
le " Fils " (le shem) et d'une présence secrète
symbolisée par la lettre médiane de ce mot, le shin,
première lettre du mot shem, le NOM,
dont l'idéogramme primitif (flèche retenue au bout d'un arc tendu à l'extrême)
exprime " l'esprit " qui est en l'Homme.
L'esprit est puissance de l'éros qui (départ de la flèche) rend capable
l'accomplissement du Fils (le logos grec).
La puissance de l'éros est, dans le principe, celle du désir infini de l'Homme
pour son Dieu, qui ne peut se traduire dans un premier temps que par ses
épousailles avec Ishah ; elle est une pulsion de vie informationnelle car elle
transforme les énergies potentielles de Adamah en
informations - le conscient - ; elle fait croître la sève de l'Arbre de
Connaissance dont Adam va devenir le fruit :
le Fils -JE SUIS - totalement accompli.
Ce Grand'Oeuvre est possible,
puisque maintenant " Adam et son Ishah sont deux ; ils connaissent le chemin qu'ils ont à faire
; ils ne sont plus confondus " ; ce verset, à un premier niveau de lecture
est traduit par :
" ils étaient tous les deux nus et ils n'en avaient pas
honte ".
C'est à cette hauteur du mythe qu'intervient, au milieu de tous les animaux
(les énergies) intérieurs d'Adam," le serpent, Le plus rusé de toutes les
énergies ".
Ici, la racine du mot hébreu arom " rusé ", est aussi celle du mot qui vient de
qualifier Adam et son Ishah et que l'on a traduit par " nu " au verset
précédent.
Le serpent doué de savoir et de savoir-faire est une émanation du Satan,
l'Adversaire ; il va tenter de déstabiliser Adam en s'adressant à son épouse Ishah.
Ishah prend le fruit de l'Arbre de la Connaissance que lui tend
le serpent-Satan ; elle le donne à son époux qui le mange.
Adam entre alors dans l'illusion totale d'être devenu JE SUIS
; ce " je " illusoire est l'ego du monde de l'exil, qui se trouve
alors en relation avec l'extérieur des choses et d'Adam lui-même, mais coupé de
l'intérieur, coupé d'Ishah dont il croit qu'elle est devenue sa totale lumière.
Réduit à l'état animal du Sixième Jour, Adam n'est plus que l'homme devant la
femme alors seulement appelée Eve.
Eve devient mère biologique dans le monde extérieur alors que c'était à lui
Adam, de devenir mère ontologique, mère du Fils intérieur, JE SUIS.
© Annick de SOUZENELLE
Alliance de
FEU.
(1/7)
Regard nouveau sur un être aimé,
immuable et vivant.
Le livre de la Genèse est cet être.
II est Verbe de Dieu.
Un, absolu, inchangeable en soi, il rend compte de la création qui, d'une part
s'inscrit dans les espaces et les temps essentiellement changeants, mais qui,
d'autre part s'enracine dans l'immuabilité du Verbe créateur.
Chaque instant du temps la fait participer de l'éternité.
Chaque instant est lourd d'éternité !
C'est au coeur de la croix que dessinent l'horizontalité du temps verticalité
de l'éternité que se situe l'Homme dont nous verrons qu'il récapitule toute la
création.
En cela il participe lui aussi du temps et de l'éternité.
Il participe du temps dans le quotidien de son être imparfait, inaccompli,
lancé sur le chemin de son histoire qui devrait être la de son accomplissement.
Sur ce chemin son oeil change.
Il participe de l'éternité dans le potentiel divin qu'il est et dont porte, en
tant qu'image du Verbe, le germe inaliénable en lui dans son principe.
Dans ce principe, il lui est donné d'accéder à l'immuable.
Lorsque l'Homme se coule dans l'axe de son instant-éternité, dans la moelle de
son os, dans la sève de l'Arbre de Vie qu'il est, il se fait résonance du
Verbe, il est la Tradition vivante.
Moïse, sur le Sinaï, recevant le message de la Torah est la
Tradition vivante. Dieu lui parle "bouche à bouche" (Nombres
XII, 8).
Ouvert aux profondeurs divines de son être, en lui jaillit le flux du Verbe
qu'à son tour il transmet jusqu'à nous.
Nous, hommes sur le chemin, sourds, aveugles, boiteux, défaillants, tombant et
nous redressant et puis tombant encore, savons-nous à notre tour recevoir et
transmettre ?
Et si nous y parvenons, y a-t-il encore dans notre monde défait une oreille
pour recevoir, un coeur pour comprendre, une bouche pour transmettre ?
Nous n'avons pas, me semble-t-il, à nous poser cette question, mais nous avons
à ETRE.
A ETRE la Tradition vivante, l'Homme de l'instant, ancré tout à la fois dans
les racines intemporelles de son être et dans l'actualisation quotidienne de
l'information qu'il y puise et qui rend possible la transfiguration du plus
banal apparent.
© Annick de Souzenelle.
Alliance de
FEU.
(2/7)
C'est, je crois, dans cette attitude
transformante que se résoudra le problème de la désaffection contemporaine pour
nos livres sacrés.
Ne les avons-nous pas abordés intellectuellement, les rendant étrangers à notre
problématique quotidienne, donc liés plus à un passé historique qu'à une
permanence ontologique ?
N'est-ce pas dans cette même attitude transformante que nous pourrons commencer
de comprendre ce qui nous a si dramatiquement séparés, tout au moins en
Occident, de l'homme du haut moyen-âge qui puisait encore à la source de ces
livres la flamme de son génie ?
Une dichotomie latente s'insinua dans la vie de l'Occident, à partir du XII°
siècle, pour laisser un jour d'un côté à des érudits, en général
ecclésiastiques - l'Eglise enseignante -, le soin de garder la Tradition, d'un
autre côté à des ignorants le soin d'apprendre quelque chose qui ne les
concernait plus, quelque chose de dévitalisé qui laissa ces derniers - l'Eglise
enseignée - devant la béance de l'absurde.
Ce vide appela l'irruption des sciences dites exactes dont l'apogée, au XIX°
siècle, magnifia la quasi-divinisation de l'immédiateté de la nature.
La Tradition fut alors considérée comme objet d'un passé, donc d'un temps
ressortissant à l'Histoire, et non plus à un espace intérieur - une conscience
- enfouie dans les profondeurs de l'instant-éternité de l'Homme.
La conscience transcendante céda la place à la bonne conscience morale.
L'Homme de Tradition fut confondu avec celui d'un passé périmé et la Tradition
elle-même, ressentie comme une entrave à l'actualisation du présent immédiat.
Telle une béquille parentale dont il convient de se séparer pour trouver la
vraie personne de ces temps nouveaux, elle fut rejetée par l'Homme qui se
voulait de son époque.
Quant à celui qui se voulait encore Homme de Tradition, sous l'inexorable
poussée à la divinisation de la nature palpable, il défigura peu à peu les
données traditionnelles, les infléchissant aux impératifs de ce monde
restreint, les réduisant à sa dimension aliénante et rendant détestable leur
message ainsi infantilisé.
Mais aujourd'hui leur message ne fait plus le poids.
Ces mêmes sciences, au nom desquelles l'Homme renversait jadis la Tradition,
ont explosé et fait éclater le mur de l'univers restreint dans lequel lui-même
reste cependant encore intérieurement confiné, le laissant impuissant à faire
face au monde prométhéen qu'elles engendrent.
L'angoisse moderne en témoigne.
Car c'est en pénétrant les profondeurs de la nature, celles de la matière
immédiate, tangible, saisissable, que l'Homme d'aujourd'hui se heurte à
l'insaisissable des réalités médiates et qu'il redécouvre la conscience au plus
vif du concret.
C'est en interrogeant le secret de la matière qu'il reçoit la réponse de
l'Esprit.
C'est au coeur du fini qu'il touche à l'infini.
C'est alors dans la réalité quotidienne que la Tradition s'actualise et que
nous nous trouvons crucifiés au point de rencontre de la contradiction du fini
qui contient l'infini, au centre de l'axe horizontal du temps que vient briser
l'axe vertical de l'éternité.
Nous ne pouvons plus échapper à son exigence.
Dans cette brisure, le Christ mort ressuscite !
Il sort victorieux du tombeau.
C'est en brisant le noyau de l'insécable que la matière devient énergie.
Rien de nouveau ne pourra naître hors de l'obéissance à la loi ontologique de
mort et résurrection.
Comment mourir ?
Redevenir Homme de Tradition c'est apprendre à mourir pour vivre.
C'est réapprendre à épouser nos espaces intérieurs sur la nature desquels la
Genèse nous éclaire - cieux nouveaux, terres nouvelles -, pour aller vers le
dernier espace, celui du noyau de notre être...
L'Homme qui a atteint à son noyau n'a pas à craindre le
"nucléaire"... il est beaucoup plus que cela !
Faux problèmes que ceux de notre monde actuel au regard des lois qui régissent
le devenir de l'Homme et que ce livre tente, à partir du texte hébreu, de
mettre en lumière.
Ils ne sont problèmes que dans l'inextricable labyrinthe où nous nous
maintenons aliénés par notre coupure d'avec les zones profondes de nous-mêmes,
par notre abandon de ce que Dieu transmettait à Moïse, par notre idolatrie des
veaux d'or...
Nous connaissons l'histoire des Tables que dans sa colère Moïse brisa !
L'histoire est toujours actuelle.
Elle raconte que Dieu donna à Moïse de nouvelles Tables, mais la Tradition
ajoute qu'en celles-ci est inscrit le même message, plus voilé.
Ce voile fut enlevé par le Christ : le message est là, intact ; saisissons-le.
Ce livre n'a d'autre but que de nous permettre de redevenir avec le Christ ce
peuple d'Israël qui, au Sinaï, "regardait la voix divine". Nouveau
regard sur l'immuable !
© Annick de Souzenelle
J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne
pouvez pas les porter à présent.
Quand viendra l'Esprit de Vérité, Il vous guidera vers la Vérité
entière ..." (Jean XVI, 12-13).
disait à ses disciples Celui qui allait monter sur la croix et y mourir,
Lui, Dieu et Homme, Eternel accomplissant les temps.
L'Esprit est venu dans le monde ; mais savons-nous Le recevoir ?
C'est en acceptant de mourir, de faire le vide, que nous nous ouvrons à
Lui, et qu'Il nous guide vers une nouvelle lumière, nouvelle vérité, jusqu'au
Christ qui est La Vérité.
Cette loi préside à l'évolution du monde comme à celle de chacun de nous en
particulier.
L'humanité vit aujourd'hui l'aube d'une nouvelle naissance.
Elle ne pourra "porter ces choses nouvelles", recevoir une
nouvelle vérité, que si elle accepte de mourir à ce qu'elle croyait jusqu'à
maintenant être la vérité.
Est-ce à dire que ce qui a été enseigné jusqu'ici était faux !
- Non.
C'était ce que nous pouvions supporter.
Est-ce à dire que malgré leur sainteté les Pères n'ont pas eu accès à la
totalité de la lumière ?
- Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne du Tabor, ont vu plus que la
totalité de la lumière créée, la Lumière incréée !
Et cependant le Christ leur ordonne impérativement :
"Vous ne raconterez ces choses à personne jusqu'à ce que le
Fils de l'Homme soit ressuscité des morts".(Matthieu
XVII, 9)
Christ est ressuscité des morts et les trois apôtres ont annoncé
l'Evangile.
Mais l'Evangile, comme la Genèse, ne se laisse saisir qu'au cours des
temps, au fur et à mesure qu'avec le Christ, l'Homme, à son tour, ressuscite de
ses morts intérieures, au fur et à mesure qu'avec Lui il descend dans ses
propres ténèbres et qu'il renaît.
Les Pères nous ont fait monter sur une montagne.
Pas plus que les apôtres au Tabor nous n'avons à nous y installer.
Le Moyen- Orient en général, et plus particulièrement la Grèce d'où presque
tous les Pères sont originaires, a une vocation de lumière.
La Grèce, Yawan, en hébreu, est le même mot que Yon ou Yonah, la colombe,
oiseau symbole de lumière, et que Jonas le prophète qui pour monter dans la
lumière dut mourir dans les entrailles ténébreuses du monstre marin.
Avec lui, il nous faut aussi aujourd'hui aller puiser plus profondément
dans nos ténèbres, dans la réserve d'énergies-informations que détiennent ceux
que j'appelle les "gardiens du Trésor", nos frères hébreux.
Nous verrons au cours de ce travail que l'Homme créé au sixième jour,
"mâle et femelle", est celui (hommes ou femmes) qui, en tant que
"mâle", "se souvient" de son "féminin", lequel
est réserve d'énergies-informations contenues en lui. Etre mâle c'est,
participant d'une lumière-force, être conscient qu'elle n'est pas la totale
lumière, être conscient de sa faiblesse, se "souvenir" de la réserve
de force-lumière contenue dans les ténèbres pour la pénétrer et faire une plus
grande lumière, acquérir une nouvelle force.
Celle-ci à son tour permettra de descendre plus profondément
encore…,.jusqu'au noyau, Germe divin, dont est lourd le féminin !
Le monde féminin est lié au mystère des ténèbres.
II est porteur de l'information, il est gravide de Dieu !
L'Homme coupé de la profondeur de son féminin s'exclut de l'expérience
divine qui l'informe dans l'instant. L'Homme que je dénonçais tout à l'heure
comme s'étant coupé de lui-même, de ses mondes intérieurs, en se séparant de la
Tradition, est devenu peu à peu le faux mâle fort de ses seules forces
extérieures.
Celui-là d'ailleurs a peu à peu aussi relégué au second plan le monde
féminin d'un premier niveau, car tout se tient, et ce n'est pas par hasard non
plus que ce même monde féminin se réveille aujourd'hui en même temps que se
redécouvre l'inconscient...
Le début de l'ère chrétienne, qui a vécu un acmé dans la lumière
patristique de la Grèce, a inscrit dans sa chair son expérience taborique à la
Sainte Montagne de l'Athos.
Là, encore aujourd'hui, aucune femme n'a le droit de venir troubler la
contemplation des moines car seule Marie, la Mère de Dieu, est reine.
J'espère de tout mon coeur que les moines vivent, avec l'aide de la reine
des cieux, la descente dans leurs ténèbres intérieures et qu'ils pénètrent leur
féminin essentiel, faute de quoi leur démarche serait illusoire.
Mais il est bien signifiant qu'au coeur de la Grèce où le Christianisme a
vécu sa première expérience lumière, l'Athos ne s'ouvre qu'à la femme devenue
elle-même totalement lumière.
C'est peut-être aujourd'hui le rôle d'une femme consciente de ses propres
ténèbres, de venir rappeler que le Christ ne dévoilera sa plénitude de la
Lumière Taborique qu'à une humanité qui avec Lui, et certaine de la
résurrection, redescendra de la montagne et pénétrera dans les ténèbres de la
Tradition.
Le monde hébreu est, à mes yeux, le
féminin du monde chrétien.
Il n'est pas étonnant que dans son évolution historique, le Chrétien ait
lui aussi rejeté son féminin hébreu.
Il est plus que temps qu'il vienne l'épouser.
Les raisons historiques, voire psychologiques, qui ont présidé à ce
phénomène n'ont aucun poids face aux lois spirituelles qui y président.
Le monde féminin fait toujours résistance nécessaire à l'évolution, comme
les ténèbres font résistance à la Lumière et la limitent utilement un temps.
Ce n'est pas par hasard que ce fut la femme de Lot qui ne voulut pas
poursuivre le voyage... elle fut transformée en statue, mais en statue de sel.
Le sel est symbole de sagesse.
La "mer de sel", aujourd'hui "mer morte", marquait la
limite entre les terres d'Abram et celles de Lot avant la purification par le
feu de Sodome et Gomorrhe.
Le féminin de Lot, nouvelle "mer de sel", pose la nouvelle limite
entre Abram (lumière), et Lot ("le voilé", ténèbres), entre
l'accompli et l'inaccompli d'Israël.
"Tu poses une limite que les eaux (inaccompli) ne doivent pas
franchir pour ne pas venir recouvrir la terre (accompli)". (Psaumes
103)
chante le psalmiste qui rappelle la confusion du déluge.
Les Hébreux eux aussi ont fait oeuvre de Sagesse divine et ont posé une
limite nécessaire à la lumière du Christ.
Il nous faut aujourd'hui entrer dans cette nouvelle intelligence de l'Histoire
: la résistance à Dieu vient de Dieu !
Moïse, investi de la puissance divine pour affronter Pharaon et délivrer de
l'esclavage le peuple d'Israël, ne fut-il pas arrêté sur le chemin par le
Seigneur lui-même "qui voulut le faire mourir" (Exode
IV, 24) ?
Et lorsque, sortant vainqueur de l'épreuve, Moïse rencontra Pharaon et
obtint de lui la promesse de la libération d'Israël, alors autant de fois qu'il
fut nécessaire, après chacune des plaies répandues sur l'Egypte :
"Le Seigneur durcit le coeur de Pharaon" (Exode
IX, 12- x, 1 & 20-- etc),
et Pharaon retint encore le peuple prisonnier.
Que signifie cette résistance divine si ce n'est qu'elle forgeait Israël à
une autre dimension de lui-même pour qu'il devienne capable de sortir de
l'esclavage d'assumer la liberté et de vivre le désert qui allait suivre ?
Isaï ne dénonce-t-il pas cette résistance comme faisant partie intégrante
de la Sagesse divine (Isaï VI, 8-10) ?
"Va, dit le Seigneur, et dis à ce peuple :
Ecoutant, écoute et ne comprends pas, Voyant, vois et ne connais pas,
appesantis le coeur de ce peuple, alourdis ses oreilles, et ses yeux ferme-les,
de peur qu'il ne voit de ses yeux, que de ses oreilles il n'écoutent que de son
coeur il ne comprenne et qu'il ne se convertisse, et qu'il ne soit guéri
!"
Et l'apôtre Jean "au secret divin" ne rappelle-t-il pas Isaï pour
confirmer la cause profonde du refus de la plus grande part du peuple juif à
reconnaître Jésus pour Messie ?
"Quoiqu'il eût fait de si grands miracles en leur présence, ils
ne croyaient pas en lui afin que fût accomplie la parole qu'avait dite le
prophète Isaï..." (Jean XII, 37-41)
L'apôtre Paul explique :
"C'est un endurcissement partiel qui est arrivé à Israël
jusqu'à ce que les Gentils soient entrés au complet (dans la foi en Jésus-Christ)"
(Romains XI, 25).
© Annick de
Souzenelle.
La lumière puise sa source dans la
justesse du rapport qui unit l'émissivité énergétique et la réceptivité.
La réceptivité se fait alors pour partie lumière, pour partie résistance à
elle.
Cette résistance, par rapport à la lumière, est ténèbres qui, sollicitées
plus tard par une nouvelle force émissive, se feront pour partie encore
nouvelle lumière, pour partie ténèbres qui sont réserve de lumière ultérieure.
Les ténèbres obéissent à la loi de dispersion, la lumière à celle de
l'unification
Dans sa dispersion le peuple juif a fécondé le monde de sa lumière cachée.
Le Chrétien de sa lumière révélée a baptisé lumière les nations.
Mais privés l'un de l'autre aujourd'hui, ils sont devenus stériles.
L'heure de leur mariage a sonné.
C'est le trésor d'Israël que le Christ est venu accomplir.
C'est en revenant puiser dans le trésor d'Israël que le Chrétien, à l'image
de son Maître, s'accomplira.
Il n'y a lumière plus grande que fruit du mariage de la lumière et des
ténèbres.
Les ténèbres ne dévoilent ainsi la lumière dont elles sont le gardien que
peu à peu autant que porter, voire l'épouser, l'Homme peut la la devenir.
Qu'il n'y ait aucune ambiguïté :
la relation que dans une dialectique j'établis entre Judaïsme et
Christianisme ténèbres- lumière ne signifie à la lumière ; l'un et aucunement
que j'identifie le Judaïsme aux ténèbres et le Christianisme l'autre l'un à
l'autre que je ont respectivement leur dialectique interne ténèbres-lumière, ce
n'est que dans leur rapport ressens le Christianisme lié à la lumière de Noël,
le Judaïsme aux ténèbres du l'Homme nouveau, Golgotha d'où jaillira totalement
autre, l'Homme ressuscité. Un seul Messie les en gloire à la unit ; celui de la
sixième heure qui reviendra neuvième heure.
Je m'explique :
Méditant, à la lumière des sept jours de la Genèse, sur les lois qui
président au développement de l'enfant dans le ventre de sa mère, je proposais
de penser dans un récent ouvrage (Le Symbolisme du Corps Humain) - et je le
rappelle dans celui-ci - qu'au sixième mois de la vie intra-utérine l'enfant
devient viable car il acquiert - comme au sixième jour de la Genèse - sa
dimension "d'image de Dieu".
Son sang est alors porteur de son Nom secret, sa "personne" ; l'enfant
est lourd du germe divin qu'il doit devenir.
Pourquoi ne nait-il pas encore ?
Qu'est-ce qui fait résistance pendant encore trois mois ?
Tout porte à croire que cette force de résistance permet la mise en place de
structures beaucoup plus subtiles que les structures biologiques, et relatives
au mystère de la personne unique qu'est chaque enfant venant au monde.
Il semble que ces trois d'attente soient, en raccourci, le symbole de ce
que sera la vie de cet être, de l'âge adulte à la fin de l'accomplissement
total de sa personne, depuis l'image jusqu'à la ressemblance divine à laquelle
il est appelé.
L'enfant venant au monde à neuf mois n'est que dans le sixième mois de son
essentiel.
II y restera durant son enfance et son adolescence.
Devenir véritablement un homme, c'est entrer dans le septième mois de la
vie intra-utérine cosmique.
Ce septième mois voit alors une mutation grandiose qui devraitêtre l'âge
adulte, mais que l'humanité actuelle ne connaît guère encore, car le
développement de chaque être, bien qu'autonome, est aussi intimement lié à
celui de l'Homme total qu'est l'humanité dans son ensemble.
Et, à de rares exceptions près que tous les temps ont connues, peu d'hommes
ont dépassé le stade animal du sixième mois.
Dans cette perspective, je proposais aussi de penser que le Christ, né il y
a deux mille ans dans le tissu animal du sixième mois de l'humanité, a fait
entrer celle-ci dans sa dimension "d'image de Dieu".
La rencontre de Marie, enceinte du Christ, avec Elisabeth dont les Evangiles
nous précisent qu'elle était dans son sixième mois de grossesse, en serait un
témoignage car Jean-Baptiste dans l'esprit de la tradition symbolise l'humanité
de l'ancienne alliance...
Qu'elle le veuille ou non l'humanité, il y a deux mille ans, a entendu
battre le coeur de son NOM.
Qu'elle le veuille ou non aussi, elle est entrée avec le Christ révélant la
Trinité des Personnes divines dans la révélation de la personne humaine.
Aujourd'hui elle n'est plus à l'écoute de ce coeur qui cependant ne cesse de
battre !
II ne bat que pour nous conduire de l'image à la ressemblance, du sixième
au neuvième mois de notre gestation cosmique où tout sera accompli. Sur la
croix, Christ ne s'écrie-t-il pas avant de mourir :
"Tout est accompli",
c'était la neuvième heure.
De la sixième heure à la neuvième heure les ténèbres recouvrent la terre.
A la dixième heure c'est la résurrection.
Au dixième mois de la gestation de l'Homme, ce même Christ né dans le tissu
animal de la création reviendra en gloire.
C'est Lui ce Messie qu'attendent les ténèbres-trésor de l'humanité, Israël,
celui-là même qu'une faible lumière de son peuple a reconnu dans l'enfant de
Bethléem.
Il semble que l'humanité ait à gérer aujourd'hui son passage au septième
mois de sa vie intra-utérine cosmique.
Elle ne passera du six au sept que dans des noces dont je pense qu'elles
concernent essentiellement Juifs et Chrétiens, le peuple du "Livre".
Commenté par les Juifs, traduit par les Chrétiens, dans l'un et l'autre cas
le Livre, la Bible, ne l'a été qu'à la lumière du niveau de conscience des
hommes de l'époque.
Une information essentielle reste encore dans les Ténèbres, c'est la langue
hébraïque qui la garde.
Disposerions-nous aujourd'hui du texte hébreu de la Bible si le peuple juif
tout entier avait reconnu Jésus de Nazareth pour Messie ?
Cette question m'a pénétré le coeur un jour que je marchais dans les pas du
Christ à Jérusalem.
Et la réponse vint tout aussitôt ; il fallait qu'ils restent les gardiens
du Trésor.
C'est à partir de là que je méditais longuement sur le sens profond du
phénomène de la résistance, celui que j'exposais plus haut.
La Bible hébraïque est devenue historiquement la seule identité réelle d'un
peuple rejeté qui a sauvé le Livre avec sa peau.
Il s'est enrichi du sang de ses martyrs.
C'est en accédant à sa langue qu'il nous sera donné de vivre la Pentecôte
de son message.
Là, deux voies s'ouvrent, distinguées l'une de l'autre, mais inséparables
en profondeur :
- Une voie directe, mystique, celle du verbe du Dieu vivant, archétype de
toute langue, accessible à tous, du plus illettré au plus grand savant.
Elle se suffit à elle-même.
C'est une voie personnelle.
Elle est par contre indispensable en grande partie à celui qui chemine sur
la seconde voie, mais celle-ci s'ouvre au collectif.
- Cette voie est indirecte ; elle passe par une étude ; celle de la langue
hébraïque en tant qu'icône la plus précieuse du Verbe est par excellence.
L'icône ne parlera qu'à celui qui fait le premier chemin, mais elle peut
être le relais magistral sur le chemin.
Elle le fut et le reste chaque jour pour moi.
L'icône contient la puissance de l'archétype, son modèle, et le pouvoir d'y
reconduire.
L'hébreu conduit au Verbe divin.
Sur le chemin de l'image au modèle, de nombreux niveaux de lecture peuvent
s'ouvrir :
soixante-dix-sept, disent les Hébreux pour qui le nombre sept est celui qui
conduit à l'infini !
Mais dans une autre optique ils parlent aussi de quatre niveaux, selon les
quatre lettres qui composent le mot Pardès, lequel est le "Paradis"
ou encore la "science divine".
- Le premier niveau, tout "simple", est celui du
Peshat, qui est celui dans lequel nous avons jusqu'ici confiné les traductions.
Nouvelles statues de sel, les traductions ont arrêté le Verbe à une toute
première intelligence du texte où les contradictions sont irréductibles et où
le message, plus secret, incompris, a été détourné pour être ramené à ce
premier niveau, en écorchant souvent tout "simplement" aussi la
grammaire !
Revenir à la source des traductions, le texte hébreu lui-même, est la seule
façon de retrouver le chemin des profondeurs qui attendent de nous que nous
fassions "oeuvre mâle" en elles en même temps qu'en nous.
- Le deuxième niveau, Remez, est celui qui
"clignote" derrière le premier.
Il est plus subtil, lié à la dimension symbolique de ce qui apparaît
statufié au premier niveau.
C'est une vie qui palpite derrière les apparences ; elle cache le pouvoir
qu'elle a de reconduire les objets du premier niveau à leurs archétypes respectifs.
Cette reconduction est exprimée par la possibilité dont jouit ce qui rampe
de se redresser, exactement comme le serpent peut être l'animal qui "mange
la poussière" mais qui, verticalisé, peut devenir l'Arbre de Vie auquel le
Christ s'identifie
(Jean III, 14).
C'est à ce niveau que les Pères nous ont admirablement conduits, nous
introduisant ainsi au Darash.
- Le troisième niveau, Darash, s'offre à notre
"recherche".
Il porte en lui une "exigence" de rencontre, de l'Homme avec son
Nom.
Ce troisième niveau s'étage sur tous les plans de redressement du Remez,
sur tous les plans de verticalisation de l'Homme.
On peut le comparer à l'échelle de Jacob qui, reposant sur la terre de
Peshat-Remez, dresse tous ses échelons dans le Darash.
Chacun des échelons est une lumière nouvelle qui implique - nous le verrons
- un mariage avec les ténèbres.
N'y accède que celui qui accomplit en lui ses mariages intérieurs et qui
accepte donc d'être et de pénétrer ses ténèbres.
La montée dans la lumière d'une nouvelle intelligence des Ecritures se fera
dans la mesure où l'Homme sera descendu dans ses propres ténèbres.
Cette étape ne fait aucunement appel à une intelligence intellectuelle mais
elle se construit en même temps que sourd du cceur circoncis de l'Homme la
lumière d'une intelligence neuve.
- Le quatrième niveau dont on peut dire aussi, dans cette
perspective de l'échelle, qu'il est un sommet jamais atteint, infini, est Sod,
le "secret".
Le secret plonge ses racines dans la pensée divine qui relève de Sagesse et
Intelligence auxquelles on n'atteint que par la croix.
La Bible hébraïque et le Christ Verbe incarné, pour celui qui fait le
chemin direct, sont gardiens du secret.
Si le Christ conduit au Tabor jusqu'à sa lumière incréée, l'hébreu conduit
au Verbe dans sa lumière créée.
Une légende juive raconte que Rabbi Aqiba réputé pour sa sainteté
introduisit dans le secret trois de ses disciples.
L'un mourut, le deuxième revint fou et le troisième perdit la foi. Seul
Rabbi Aqiba entra dans le mystère du Verbe.
L'hébreu conduit au Verbe.
Les lettres de son alphabet sont des énergies créées, elles- mêmes icônes
des Energies divines incréées.
Le jeu des figures qu'elles forment pour constituer un mot, une phrase, un
discours est un jeu divin, jeu mobile et rigoureux comme celui d'un ballet dont
le maître est caché dans le secret.
Trois lettres nous saluent d'un mot qu'immédiatement nous figeons dans un
concept du Peshat.
Alors miséricordieuses, nos trois amies se présentent à nous d'une autre
manière.
Et la forme qu'elles se donnent, différente de la précédente, joue avec
elles un langage si subtil que tout à coup un relief apparaît qui arrache la
phrase du Peshat. Devenu Remez et la
fait danser dans le Darash, sur un niveau de l'échelle où nous nous sentons
nous-mêmes arrachés.
Le poète, par une voie intuitive, tend vers cette même expérience dans le
livre de la nature, autre Bible à laquelle le Christ fait si souvent référence,
comme venant jouer en stéréophonie avec les Ecritures.
La nature est une autre icône du Verbe à laquelle toutes les Traditions
viennent puiser, son langage est universel.
Le prophète vit cette expérience par connaissance.
Participant de l'un et de l'autre, chacun de nous attentif au langage de
l'inconscient peut entrer dans l'écoute du Verbe...
Le texte original de la Bible était
écrit d'un seul tenant, sans coupure entre les mots.
Si nos Pères, sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, ont établi les césures
que nous connaissons, la possibilité d'autres césures reste ouverte, dont le
nouveau souffle qu'elles déterminent n'est pas étranger aux dimensions du
"Pardes" que l'Esprit-Saint a jusqu'ici gardé cachées.
L'Apôtre Paul ne termine-t-il pas son épître théologique par excellence en
disant :
"A celui qui peut vous affermir... Selon la révélation du
mystère qui, tenu secret de toute éternité, est maintenant dévoilé..." (Romains
XVI, 25)
Le dévoilement s'étage sur les siècles de nos mois d'enfantement dont celui
que nous semblons entamer nous branche à une nouvelle respiration.
Ne croyons pas que nous puissions alors, ivres de cet air des hauteurs,
danser avec notre corps de ballet alphabétique la figure qui convient à nos
délires :
Les lettres sont des énergies vivantes, légères de beauté et lourdes du
sens de l'incréé qui fait leur beauté; elles irradient, pénètrent, sculptent et
taillent leur contemplateur avec la précision du burin divin au point exact où
se joue leur rencontre avec leur homologue en lui, l'Homme, autre aspect encore
insoupçonné du Verbe.
Chaque lettre en lui trouve son écho et le vérifie.
Celui qui ne résonne pas juste est atteint dans son être.
Chaque lettre est feu, feu de l'amour de Dieu qui est Rigueur et Tendresse
feu qui pénètre l'aimé et le transforme au fil de l'Epée.
Chaque lettre du Verbe est un aspect de l'Epée à deux tranchants, qui tue
ou vivifie celui qui s'avance sur son chemin !
La grammaire hébraïque joue dans cette même foulée créatrice, son rôle
structurant, rigoureux et libérant.
Elle non plus ne reste pas vissée au temps linéaire passé- présent-futur
dont la physique quantique nous apprend aujourd'hui qu'il est illusion.
A l'aube des temps on le savait. Passé-présent-futur n'appartiennent qu'à
un seul échelon de notre échelle, encore que le présent, car il est insaisissable
et brise le temps, appartient à la transcendante éternité dont je parlais au
début de cette introduction.
C'est pourquoi il n'y a pas de présent en hébreu.
Celui du verbe être serait YHWH, le Verbe divin !
Chaque instant, lourd de la totale potentialité de l'échelle, est tu, car
c'est lui seul qui importe en profondeur à l'hébreu.
En lui le Verbe se fait silence.
Dans ce sens le temps de la grammaire est, je dirais, vertical.
Un échelon émergé des ténèbres, devenu lumière, est un champ de conscience
intégré, il est accompli.
Les échelons qui restent à gravir sont encore dans les ténèbres.
Ce sont des terres intérieures encore inexplorées, des champs de conscience
fermés, inaccomplis.
En profondeur, seuls "accompli" et "inaccompli" sont
les deux formes verbales qui président à la langue hébraïque parce qu'elles
président à la vie du Verbe divin en nous.
La vie est essentiellement potentiel à accomplir.
Nous verrons que l'Arbre de la Connaissance planté en Eden est celui non du
bien et du mal - qui l'un et l'autre n'ont pas d'ontologie -, mais celui de la
connaissance accomplie et non- encore-accomplie ; il est celui de la lumière
révélée, intégrée et de celle qui reste encore en potentialité dans les
ténèbres.
Le dernier fruit de cet arbre est celui de la connaissance- information
totale, atteinte lorsque la lumière aura "épousé" la totalité des
ténèbres.
Notre histoire saisie entre les deux "portes" que sont naissance
et mort pour chacun de nous, ou l'histoire de l'humanité saisie entre l'aube de
ses origines et la fin des temps, n'est que celle de l'accomplissement de nos
terres, espaces intérieurs, dont l'histoire des Hébreux est le prototype.
Certaines lettres de l'alphabet hébreu ont disparu de notre alphabet ; il
serait d'ailleurs intéressant de connaître le sens de leur occultation
puisqu'elles sont icônes d'une Energie divine que nous semblons vouloir faire
ainsi disparaître de notre conscience...
Nous pallions pour l'instant ce manque par des signes conventionnels qui
sont de valeur quasi internationale bien que rien dans ce domaine ne soit
véritablement arrêté !
L'hébreu ne comportant pas de voyelles dans le corpus de son alphabet, on a
senti la nécessité d'indiquer les sons vocaliques par une notification dite de
"points-voyelles" dont il est aussi convenu de rendre compte en
français par d'autres signes.
Pour translitèrer l'hébreu, j'utiliserai donc l'ensemble de ces signes avec
lesquels le lecteur pourra se familiariser en se rapportant au tableau que j'en
dresse à la suite de cette introduction, il est légèrement simplifié par
rapport au code généralement utilisé, d'une part pour faciliter la tâche du
lecteur de langue française, d'autre part pour garder au coeur de certains mots
la présence du Yod, sans distinction de sa qualité de voyelle ou de consonne.
Je n'ai pas tenu compte de l'accentuation.
J'ai gardé la plupart des noms propres tels qu'ils sont généralement connus
en français lorsque le nom hébreu en est trop éloigné (exemple : Sodome et
Gomorrhe qui littéralement sont Sedom et 'Amorah ; Jonas qui est Yonah; Job qui
est 'Iyob... etc.).
De la même manière, j'ai continué d'écrire en français, en obéissant à
l'habitude prise par les translitérations phonétiques qui n'obéissaient encore
à aucun code, des mots hébreux courants tels "Mi" et "Ma"
qui, selon le code devraient être "Mî" et "Mâ" ou
"My" et "Mah".
Je renvoie souvent le lecteur à un de mes deux ouvrages :
- "Le Symbolisme du Corps Humain" (Editions Albin Michel).
- "La Lettre, Chemin de Vie" (Editions Albin Michel).
Enfin, pour tenter de rendre la lecture de ce travail moins ardue, j'ai
choisi de le diviser en deux parties :
La page de droite de ce livre consigne le travail chorégraphique, et la
mathématique de ma "danse" avec le texte hébreu, telle que je la vis
dans mon expérience de chaque jour.
Elle exige que le lecteur connaisse un peu mon partenaire hébreu, sa
sensibilité, sa réserve, son exigence, son audace, pour comprendre dans quelles
profondeurs il me saisit et m'oblige à mourir pour renaître.
La page de gauche offre le fruit de ce qui semble n'être qu'une réflexion.
On n'y voit couler ni la sueur ni les larmes, mais la joie seule du travail
accompli, à peine la consciente certitude de ce qui reste à accomplir !
J'invite maintenant le lecteur à se "déchausser" avec moi pour
pénétrer le sanctuaire de la Genèse.
"Ote tes sandales de tes pieds car le lieu sur lequel tu te
dresses est une terre sainte". (Exode III,5)
dit Dieu à Moïse devant le Buisson ardent, Verbe en puissance.
Le texte comporte aussi le verbe "se dresser".
Nous ne pouvons entrer dans le sanctuaire dans l'état de rampant mais dans
l'exigence de la verticalisation.
II faut nous laisser saisir par l'Esprit, nous laisser arracher par lui à
nos conformismes profanes et sécurisants et nous abandonner à Celui qui nous
conduit au coeur du mystère, au coeur de nous-mêmes, faute de quoi la lettre,
telle une épouse bafouée, se fermera à notre viol ou nous brisera. Otons nos
chaussures et redressons-nous au seuil du sanctuaire de la Genèse, "Beré
'shît" en hébreu, dont la Tradition dit qu'il contient la totalité de la
Torah.
Elle ajoute que le livre entier est contenu dans ce premier chapitre que je
tente ici d'approcher ; elle ajoute encore que tout le premier chapitre est
contenu dans le premier verset, que ce premier verset est contenu dans le
premier mot dont la première lettre, le B, le contient tout entier. La lettre
B, Beit en hébreu, symbolise à elle seule toute la création.
Elle est chacun de nous, qui récapitule la création.
Elle signifie la "Maison".
Elle est la "Maison de Dieu" ; voici son histoire :
Evangile de
THOMAS
Voici les paroles du Secret...
Jésus, le Vivant, les a révélées...
Didyme Jude Thomas les a transcrites.
1.
Il disait :
Celui qui se fera herméneute de ces paroles
ne goûtera plus de mort.
2. Jésus disait :
Que celui qui cherche
soit toujours en quête
jusqu’à ce qu’il trouve
et quand il aura trouvé,
il sera dans le trouble,
ayant été trouvé, il s’émerveillera,
il règnera sur le Tout.
3. Jésus disait :
Si ceux qui vous guident affirment :
Voici, le Royaume de Dieu est dans le ciel,
alors les oiseaux en sont plus près que vous ;
S’ils vous disent :
Voici, il est dans la mer,
alors les poissons le connaissent déjà…
Le Royaume : il est à l’intérieur de vous,
et il est à l’extérieur de vous.
Quand vous vous connaîtrez vous-mêmes,
alors vous serez connus et vous connaîtrez
que vous êtes les fils du Père, le vivant ;
mais si vous ne vous connaissez pas vous-même,
vous êtes dans le vain,
et vous êtes vanité.
4. Jésus disait :
Le vieillard n’hésitera pas à interroger l’enfant de sept jours
à propos du Lieu de la Vie, et il vivra.
Beaucoup de premiers se feront derniers et ils seront Un.
5. Jésus disait :
Reconnais ce qui est devant ton visage
et ce qui t’est caché te sera dévoilé.
Il n’y a rien de caché qui ne sera manifesté.
6. Ses disciples l’interrogeaient ainsi :
Faut-il jeûner ? Comment prier ? Comment faire l’aumône ?
Que faut-il observer en matière de nourriture ?
Jésus disait :
Arrêtez le mensonge,
ce que vous n’aimez pas, ne le faites pas ;
vous êtes nus devant le Ciel,
ce que vous cachez, ce qui est voilé,
tout sera découvert.
7. Jésus disait :
Heureux le lion que l’homme mangera ;
le lion deviendra homme.
Malheureux l’homme que le lion mangera,
l’homme deviendra lion.
8. Jésus disait :
L’homme est semblable à un pêcheur avisé
qui jeta son filet à la mer.
Quand il le retira, il contenait une multitude de petits poissons.
Parmi eux il en trouva un, beau et grand,
il le choisit sans hésiter et il rejeta tous les petits poissons à la mer.
Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !
9. Jésus disait :
Voici que le semeur sortit.
Sa main était pleine de semences et il sema.
Certaines tombèrent sur le chemin,
nourriture pour les moineaux.
D’autres tombèrent parmi les épines,
elles étouffèrent la semence et le ver la mangea.
D’autres tombèrent dans la rocaille.
Là, elles ne pouvaient prendre racine ;
d’autres tombèrent sur une terre excellente
et il se leva un beau fruit vers le Ciel.
Elles produisirent soixante par mesure et cent vingt par mesure.
10. Jésus disait :
J’ai semé du Feu dans le monde
et voici que je le préserve
jusqu’à ce qu’il s’embrase.
11. Jésus disait :
Ce ciel passera
et passera celui qui est dessus.
Les morts n’ont pas de vie,
les vivants n’ont pas de mort.
Le jour où vous mangiez ce qui est mort,
vous en faisiez du vivant.
Quand vous serez dans le lumière, que ferez-vous ?
Au temps où vous étiez Un, vous avez fait le deux ;
mais alors, étant deux, que ferez-vous ?
12. Les disciples dirent à Jésus :
Nous savons que tu nous quitteras ;
qui se fera grand sur nous ?
Jésus leur dit :
Au point où vous en serez, vous irez vers Jacques le Juste :
Ce qui concerne le ciel et la terre lui revient.
13. Jésus disait à ses disciples :
A qui me comparez-vous ?
Dites-moi à qui je ressemble ?
Simon-Pierre lui dit : Tu ressembles à un ange juste.
Matthieu lui dit : Tu ressemble à un sage philosophe.
Thomas lui dit : Maître, ma bouche n’acceptera pas de dire à qui tu ressembles.
Jésus lui dit :
Je ne suis plus ton Maître puisque tu as bu et que tu t’es enivré
à la source bouillonnante d’où moi-même je jaillis…
Il le prit, se retira et lui dit trois mots…
Quand Thomas revint vers ses compagnons, ils l’interrogèrent :
Que t’a dit Jésus ?
Thomas leur répond : Si je vous disais une seule des paroles
qu’il m’a dites, vous prendriez des pierres, vous les jetteriez contre moi !
Un feu sortirait de ces pierres et vous seriez consumés…
14. Si vous jeûnez, c’est une faute.
Si vous priez, vous êtes condamnés.
Si vous faites l’aumône, vous empoisonnez votre esprit.
Quand vous allez dans un pays et que vous parcourez la campagne,
si l’on vous accueille, mangez ce qui est mis devant vous.
Ceux qui sont malades,
vous pouvez les guérir.
Ce qui entre dans votre bouche ne peut vous souiller.
Mais ce qui sort de votre bouche,
c’est cela qui peut vous souiller.
15. Jésus disait :
Lorsque vous verrez celui qui n’a pas été engendré de la femelle,
prosternez-vous, adorez-le.
C’est là votre Père !
16. Jésus disait :
Peut-être les hommes pensent-ils que je suis venu semer la paix dans le monde.
Ils ne savent pas que je suis venu semer la division sur la terre :
un feu, une épée, une guerre.
Il y en aura cinq dans une maison : trois seront contre deux et deux contre
trois.
le père contre le fils, le fils contre le père.
Ils se dresseront solitaires et simplifiés.
17. Jésus disait :
Je vous donnerai ce que l’œil n’a pas vu,
ce que l’oreille n’a pas entendu,
ce que la main n’a pas touché,
ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme.
18. Les disciples demandaient à Jésus :
Dis-nous quelle sera notre fin ?
Jésus répondit :
Que savez-vous du commencement pour que vous vous cherchiez ainsi la fin ?
Là où est le commencement, là aussi sera la fin.
Heureux celui qui se tiendra dans le commencement ;
il connaîtra la fin et il ne goûtera pas la mort.
19. Jésus disait :
Heureux celui qui Est avant d’exister…
Si vous devenez mes disciples et si vous écoutez mes paroles,
ces pierres vous serviront.
Vous avez en effet cinq arbres dans le Paradis
qui ne changent ni été ni hiver.
Leurs feuilles ne tombent pas.
Celui qui les connaîtra ne goûtera pas la mort.
20. Les disciples demandent à Jésus :
Dis-nous à quoi ressemble le Royaume des Cieux ?
Il leur dit :
Il est semblable à une graine de moutarde,
la plus petite de toutes les graines ;
lorsqu’elle tombe dans une terre labourée,
elle devient un grand arbre
où s’abritent les oiseaux du Ciel.
21. Marie demande à Jésus :
tes disciples, à quoi ressemblent-ils ?
Il répondit :
Ils ressemblent à des gamins qui ont pénétré dans un champ
qui ne leur appartient pas.
Lorsque les propriétaires viendront, ils diront :
Laissez-nous notre champ.
Alors ils enlèvent leur vêtements,
ils se reconnaissent nus devant eux,
laissent le champ et le leur rendent.
C’est pourquoi je dis :
Si le maître de maison sait que le voleur doit venir,
il veillera avant qu’il n’arrive.
Il ne laissera pas percer la maison de son royaume,
ni emporter ses biens.
Voyez, soyez vigilants face au monde.
Ceignez-vous les reins avec grande énergie,
sinon les pillards trouveront un chemin pour venir vers vous.
Le profit sur lequel vous comptez, ils le trouveront.
Puisse-t-il y avoir au milieu de vous un homme sage…
Quand le fruit est mûr, il vient aussitôt
- la faucille à la main -
et il le cueille.
Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende.
22. Jésus vit les petits qui étaient au sein.
Il dit à ses disciples :
Ces petits qui tètent sont semblables à ceux qui entrent dans le Royaume.
Ils lui dirent :
Alors, en devenant petits, nous entrerons dans le Royaume ?
Jésus leur dit :
Lorsque vous ferez le deux Un
et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur,
l’extérieur comme l’intérieur,
le haut comme le bas,
lorsque vous ferez du masculin et du féminin un Unique,
afin que le masculin ne soit pas un mâle
et que le féminin ne soit pas une femelle,
lorsque vous aurez des yeux dans vos yeux,
une main dans votre main
et un pied dans votre pied,
une icône dans votre icône, alors vous entrerez dans le Royaume !
23. Jésus disait :
Je vous choisirai un entre mille
et deux entre dix mille,
et ils se lèveront comme un seul, simplifiés.
24. Ses disciples disaient :
Enseigne-nous le lieu où tu es.
Il est nécessaire que nous te cherchions.
Il leur dit :
Que celui qui a des oreilles, entende !
Il y a de la lumière à l’intérieur d’un homme de lumière,
et il illumine le monde entier.
S’il n’illuminait pas, quelles ténèbres !
25. Jésus disait :
Aime ton frère comme ton âme,
veille sur lui comme sur la prunelle de ton œil !
26. Jésus disait :
La paille est dans l’œil de ton frère, tu la vois.
Mais la poutre qui est dans ton œil, tu ne la vois pas.
Lorsque tu ôteras la poutre de ton œil,
alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.
27. Jésus disait :
Si vous ne jeûnez pas au monde,
vous ne trouverez pas le Royaume.
Si vous ne célébrez pas le Shabbat comme un Shabbat,
vous ne verrez pas le Père.
28. Jésus disait :
Je me suis tenu au milieu du monde
et je me suis révélé à eux dans la chair.
Je les ai tous trouvés ivres.
Personne parmi eux qui ait soif,
et mon âme s’est affligée sur les fils des hommes,
car ils sont aveugles dans leur cœur.
Ils ne voient pas.
Nus ils sont venus au monde, nus ils en sortiront.
A cette heure, ils sont ivres.
Quand ils auront vomis leur vin, ils retrouveront leur esprit.
29. Jésus disait :
Si la chair est venue à l’existence à cause de l’esprit,
c’est une merveille,
mais si l’esprit est venu à l’existence à cause du corps,
c’est une merveille de merveille.
Mais moi, je m’émerveille de ceci :
Comment cet Être qui Est,
peut-il habiter ce néant ?
30. Jésus disait :
Là où il y a trois dieux, ce sont des dieux.
là où il y en a deux ou un,
Je suis avec lui.
31. Jésus disait :
Nul n’est prophète pour ses proches.
Nul n’est médecin dans sa maison.
32. Une ville forte construite sur une haute montagne,
rien ne peut la détruire.
Rien ne peut la cacher.
33. Jésus disait :
Ce que tu entends d’une oreille,
dis-le à une autre oreille,
proclame-le sur les toits.
Personne n’allume une lampe
pour la mettre sous le boisseau
ou dans un endroit caché,
mais la met sur le lampadaire
afin que, du dedans et du dehors,
on voie sa lumière.
34. Jésus disait :
Si l’aveugle conduit l’aveugle,
ils marchent vers la chute.
35. Jésus disait :
On ne s’empare pas de la maison des forts,
à moins de leur lier les mains.
On peut alors tout renverser.
36. Jésus disait :
Ne vous souciez pas le matin du soir,
ni le soir du matin,
de quoi vous serez vêtu.
37. Ses disciples demandaient :
Quel sera le jour de ton apparition ?
Quel sera le jour de notre vision ?
Jésus répondit :
Le jour où vous serez nus
comme les enfants nouveau-nés
qui marchent sur leurs vêtements,
alors vous verrez le Fils du Vivant.
Pour vous, il n’y aura plus de crainte.
38. Jésus disait :
Souvent vous avez désiré
entendre les paroles que je vous dis maintenant.
Nul autre ne pourra vous les dire,
et il y aura des jours
où vous me chercherez
et où vous ne me trouverez pas.
39. Jésus disait :
Les pharisiens et les scribes
ont reçu les clés de la connaissance et ils les ont cachées.
Ils ne son pas entrées à l’intérieur,
et ceux qui veulent entrer,
ils les en empêchent.
Voyez, soyez attentifs comme le serpent
et simples comme la colombe.
40. Jésus disait :
Le cep de vigne planté hors du Père n’est pas vivifié.
Il sera arraché à la racine, il périra.
41. Jésus disait :
Celui qui a dans sa main, on lui donnera.
Celui qui n’a pas, même le peu qu’il a, on le lui prendra.
42. Jésus disait :
Soyez passant.
43. Les disciples lui demandaient :
Qui es-tu ? Toi qui nous dis cela ?
Par les choses que je vous dis ne savez-vous pas qui je suis ?
Mais êtes-vous devenus comme les judéens :
S’ils aiment l’arbre, ils détestent le fruit.
S’ils aiment le fruit, ils détestent l’arbre.
44. Jésus disait :
Celui qui aura blasphémé contre le Père,
on lui pardonnera,
et celui qui aura blasphémé contre le Fils,
on lui pardonnera.
Mais celui qui aura blasphémé contre l' Esprit Saint,
on ne lui pardonnera pas,
ni sur la terre, ni au ciel.
45. Jésus disait :
On ne récolte pas des raisins sur des épines.
On ne cueille pas des figues sur des chardons,
Ils ne donnent pas de bons fruits.
L’homme bon, du secret de son cœur,
il produit de la bonté.
L’homme pervers, du secret de son cœur,
il produit de la perversité.
Ce qui s’exprime,
c’est ce qui déborde du cœur.
46. Jésus disait :
Depuis Adam jusqu’à Jean-Baptiste,
parmi ceux qui sont nés de la femme
il n’y en a pas de plus haut que Jean-Baptiste.
Si bien que ses yeux ne seront pas détruits.
Mais j’ai dit : celui qui parmi vous deviendra petit
connaîtra le Royaume et sera plus haut que Jean.
47. Jésus disait :
Il n’est pas possible qu’un homme monte deux chevaux,
qu’il bande deux arcs.
Il n’est pas possible qu’un serviteur serve deux maîtres,
sinon il honorera l’un et méprisera l’autre.
Aucun homme ne boit du vin vieux,
et ne désire aussitôt boire du vin nouveau.
On ne verse pas du vin nouveau
dans de vieilles outres de peur qu’elles n’éclatent,
et on ne verse pas du vin vieux dans une outre neuve
de peur qu’elle ne le gâte.
On ne coud pas une vieille pièce à un vêtement neuf.
Cela provoquerait la déchirure.
48. Jésus disait :
Si deux font la paix entre eux dans une même maison
ils diront à la montagne : « éloigne-toi », et elle s’éloignera.
49. Jésus disait :
Heureux vous, les unifiés et les élus,
vous trouverez le Royaume, vous êtes issus de lui, vous y retournez.
50. Jésus disait :
Si l’on vous demande : d’où êtes-vous ?
Dites-leur :
Nous sommes nés de la Lumière
là où la lumière naît d’elle-même elle se tient droite,
et se révèle dans leur image.
Si l’on vous demande : qui êtes-vous ?
Répondez :
Nous sommes ses fils et nous sommes les bien-aimés du Père, le Vivant.
Si l’on vous interroge :
Quel est le signe de votre Père qui est en vous ?
dites-leur :
C’est un mouvement et un repos.
51. Ses disciples lui dirent :
Quel jour, le repos de ceux qui sont morts arrivera-t-il ?
Et quel jour, le monde nouveau viendra-t-il ?
Il leur dit :
Ce que vous attendez est déjà venu,
mais vous, vous ne le connaissez pas.
52. Ses disciples lui dirent :
Vingt-quatre prophètes ont parlé en Israël et tous ont parlé de toi.
Il leur dit :
Vous avez rejeté celui qui est Vivant en votre présence,
et vous avez parlé de ceux qui sont morts.
53. Ses disciples lui dirent :
La circoncision est-elle utile ou non ?
Il leur dit :
Si elle était utile, leur père les engendrerait circoncis de leur mère,
mais la véritable circoncision en esprit est tout à fait utile.
54. Heureux vous les pauvres,
Le Royaume des Cieux vous appartient.
55. Jésus disait :
Celui qui ne se libère de son père et de sa mère ne pourra devenir mon
disciple.
Celui qui ne se libère pas de ses frères et de ses sœurs et ne porte sa
croix,
comme je la porte, il n’est pas digne de moi.
56. Jésus disait :
Celui qui connaît le monde
découvre un cadavre.
Et celui qui découvre un cadavre
le monde ne peut le contenir.
57. Jésus disait :
Le Royaume du Père est comparable à un homme qui avait une bonne semence.
Son ennemi vint de nuit, sema de l’ivraie parmi la bonne semence,
l’homme ne laissa pas arracher l’ivraie,
de peur, dit-il, que vous n’arrachiez le blé avec elle.
En effet, au jour de la moisson, l’ivraie apparaîtra.
On l’arrachera ; elle sera consumée.
58. Jésus disait :
Heureux qui a connu l’épreuve.
Il est entré dans la vie.
59. Jésus disait :
Regardez vers Celui qui est Vivant tant que vous vivez.
Morts vous chercherez à le voir sans parvenir à la vision.
60. Ils virent un Samaritain portant un agneau.
Comme il entrait en Judée, il dit à ses disciples :
Cet homme, que veut-il faire avec l’agneau ?
Ils répondirent :
Le tuer et le manger.
Il leur dit :
Tant qu’il est vivant, il ne le mangera pas,
mais seulement s’il le tue et s’il devient un cadavre.
Il leur dit :
Cherchez une place dans le Repos.
Ne devenez pas des cadavres, si vous ne voulez pas être mangés.
61. Jésus disait :
Deux se reposeront sur un lit, l’un mourra, l’autre vivra.
Salomé l’interrogea : Qui es-tu, homme, d’où viens-tu ? de qui es-tu né ?
pour monter sur mon lit et manger à ma table ?
Jésus leur dit :
Je suis celui qui est issu de Celui qui est l’Ouvert.
Il m’a été donné ce qui vient de mon Père.
Salomé répondit : Je suis ta disciple.
Jésus lui dit :
C’est pourquoi j’affirme quand le disciple est ouvert, il est rempli de
lumière.
Quand il est partagé, il est rempli de ténèbres.
62. Je révèle mes mystères à ceux qui se font capables.
Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite.
63. Jésus disait :
Il y avait un homme riche qui avait beaucoup d’argent.
Il dit : J’emploierai mon argent à semer, moissonner, planter, remplir mes
greniers de fruits, si bien que je ne manquerai de rien.
Voilà ce qu’il pensait dans son cœur.
La nuit même, il mourut.
Que celui qui a des oreilles, entende !
64. Un homme avait des invités.
Ayant préparé le repas, il envoya son serviteur pour chercher ses invités.
Il alla vers le premier et lui dit : Mon maître te convie.
Celui-ci répondit : J’ai affaire d’argent à traiter avec des marchands. Il
viennent ce soir. Je dois leur donner des instructions. Excuse-moi pour le
repas…
Il alla vers un autre et lui dit : Mon maître te convie.
Il lui répondit :
Je viens d’acheter une maison et il me faut un jour. Je ne suis pas disponible.
Il revint vers un autre et lui dit : Mon maître te convie.
Il répondit : Mon ami va se marier et c’est moi qui doit préparer le repas. Je
ne pourrai pas venir. Excuse-moi.
Il alla vers un autre et lui dit : Mon maître te convie.
Il répondit : j’ai acheté une ferme. Je vais y percevoir des redevances. Je ne
pourrai pas venir. Excuse-moi.
Le serviteur revint vers son maître et dit :
Ceux que tu as invités au repas se sont excusés.
Le maître dit alors à son serviteur :
Va dehors sur les chemins. Ceux que tu trouveras, amène-les, afin qu’ils dînent
avec moi.
Les acheteurs et les marchands n’entrent pas dans la demeure de mon Père.
65. Jésus disait :
Un homme de bien avait une vigne.
Il la donna à des ouvriers pour qu’ils la travaillent et pour en recevoir d’eux
le fruit.
Il envoya son serviteur pour que les ouvriers lui donnent le fruit de la
vigne.
Ceux-ci s’emparèrent de son serviteur et le frappèrent :
peu s’en fallut qu’ils ne le fissent mourir.
Le serviteur s’en alla et le dit à son maître.
Son maître pensa : Peut-être ne l’ont-ils pas reconnu ?
Il envoya un autre serviteur.
Les ouvriers frappèrent aussi celui-là.
Alors le maître envoya son Fils.
Il dit : Peut-être auront-ils des égards pour mon Fils.
Quand les ouvriers surent qu’il était l’héritier de la vigne,
ils le saisirent et le tuèrent.
Que celui qui a des oreilles, entende !
66. Jésus a dit :
Montrez-moi la pierre rejetée par les bâtisseurs.
C’est elle la pierre d’angle.
67. Jésus disait :
Celui qui connaît le Tout,
s’il est privé de lui-même, il est privé de tout.
68. Jésus disait :
Heureux serez-vous quand on vous haïra,
lorsque l’on vous persécutera,
nul ne trouvera le lieu où vous n’êtes pas persécutés.
69. Jésus disait :
Heureux sont-ils, ceux qu’on a persécutés jusque dans leur cœur,
Ceux-là ont connu le Père en Vérité.
Heureux ceux qui ont faim, ils seront rassasiés.
70. Jésus disait :
Quand « cela » sera engendré en vous, « cela » vous sauvera.
Si vous n’avez pas « cela », l’absence de « cela » vous tuera.
71. Jésus disait :
Je renverserai cette maison et nul ne pourra la rebâtir.
72. Un homme lui dit :
Parle à mes frères afin qu’ils partagent les biens de mon père avec moi.
Jésus lui répondit :
Qui a fait de moi un homme de partage ?
Et se tournant vers ses disciples, il leur dit : Qui suis-je pour partager ?
73. Jésus disait :
La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux.
Priez le Maître qu’il envoie des ouvriers à la moisson.
74. Le Maître disait :
Beaucoup se tiennent autour du puits mais il n’y a personne pour y descendre.
75. Jésus disait :
Beaucoup se tiennent devant la porte mais ce sont les solitaires
et les simplifiés qui entreront dans la chambre nuptiale.
76. Le Royaume du Père est comparable à un marchand qui possédait une cargaison
de marchandises.
Il trouva une perle.
Le marchand était un sage : il vendit toute sa cargaison et acheta la perle.
Vous aussi préoccupez-vous du trésor non périssable.
Celui qui demeure, là où la mite n’approche pas,
là où le ver ne ronge pas.
77. Jésus disait :
Je suis la Lumière qui illumine tout homme.
Je suis le Tout. Le Tout est sorti de moi et le Tout est parvenu à moi.
Fendez du bois, je suis là.
Soulevez une pierre, vous me trouverez là.
78. Jésus disait :
Pourquoi battez-vous la campagne ?
Pour voir un roseau agité par le vent ?
Pour voir un homme ayant sur lui des vêtements délicats comme vos rois et vos
grands personnages ?
Ceux-ci ont sur eux des vêtements délicats.
Ils ne pourront connaître la vérité.
79. Une femme dans la foule lui dit :
Heureux le ventre qui t’a porté et les seins qui t’ont nourri !
Il répondit :
Heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de mon Père
et l’observent en vérité,
car viendront les jours où vous direz :
Heureux le ventre qui n’a pas enfanté
et les seins qui n’ont pas allaité.
80. Jésus disait :
Celui qui connaît le monde découvre le corps.
Mais celui qui découvre le corps, le monde n’est pas digne de lui.
81. Celui qui est devenu riche, puisse-t-il devenir roi.
Et celui qui possède la puissance, puisse-t-il renoncer !
82. Jésus disait :
Qui est près de moi est près du feu !
Qui est loin de moi est loin du Royaume.
83. Jésus disait :
Les images se manifestent à l’homme
et la lumière qui est en elles est cachée.
Dans l’icône de la lumière du Père elle se manifestera,
et l’icône sera voilée par la lumière.
84. Jésus disait :
Quand vous voyez à qui vous ressemblez, vous vous réjouissez.
Mais lorsque vous verrez vos icônes, celles qui étaient avant vous,
qui ne meurent ni ne se manifestent, quelle grandeur !
85. Jésus disait :
Adam est issu d’une grande puissance et d’une grande richesse,
mais il n’a pas été digne de vous.
S’il en avait été digne, il n’aurait pas connu la mort.
86. Jésus disait :
Les renards ont des tanières, et les oiseaux oint des nids.
Le Fils de l’ Homme n’a pas de lieu où appuyer sa tête et se reposer.
87. Jésus disait :
Misérable le corps qui dépend d’un autre corps.
Misérable l’âme qui dépend de ces deux.
88. Les anges viendront vers vous ainsi que les prophètes,
et ils vous donneront ce qui est à vous.
Et vous aussi, ce que vous tenez dans vos mains,
donnez-le et dites à vous-mêmes :
Quand viendra-t-il le jour où ils recevront ce qui est leur ?
89. Jésus disait :
Pourquoi lavez-vous l’extérieur de la coupe ?
Ne comprenez-vous pas que celui qui a fait l’extérieur
est aussi celui qui a fait l’intérieur de la coupe ?
90. Jésus disait :
Venez à moi, mon joug est bon, douce mon autorité
et vous trouverez en vous le repos.
91. Ils lui demandaient :
Dis-nous celui que tu es ? afin que nous croyions en toi.
Il leur dit :
Vous sondez le visage du ciel et de la terre,
et celui qui est en votre présence, vous le l’avez pas reconnu,
en ce moment présent, vous ne savez pas l’éprouver.
92. Jésus disait :
Cherchez et vous trouverez.
Mais ces choses sur lesquelles vous m’interrogiez
et que je ne vous ai pas dites alors -
aujourd’hui il me plaît de les révéler,
mais vous ne m’interrogez plus.
93. Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens,
de peur qu’ils ne le prennent pour du fumier.
Ne jetez pas des perles aux porcs,
de peur qu’ils n’en fassent de l’ordure.
94. Jésus disait :
Celui qui cherche trouvera -
à celui qui frappe à l’intérieur, on ouvrira.
95. Jésus disait :
Si vous avez de l’argent, ne le prêtez pas avec intérêt,
mais donnez-le à celui dont vous ne recevrez rien en retour.
96. Jésus disait :
Le Royaume de mon Père peut être comparé à de la pâte
dans laquelle une femme a caché un peu de levain.
Elle se transforme et devient du bon pain.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende !
97. Jésus disait :
Le Royaume de mon Père peut être comparé
à une femme qui porte un vase rempli de farine.
Tandis qu’elle marche sur un chemin éloigné,
l’oreille du vase se brise,
et la farine se déverse derrière elle sur le chemin.
Ne sachant rien, elle ne se donne pas de peine.
Rentrée à la maison, elle pose le vase –
le découvre vide.
98. Jésus disait :
Le Royaume du Père peut être comparé
à un homme qui veut tuer un grand personnage.
Il dégaine d’abord dans sa maison,
perce le mur pour savoir si sa main est ferme.
Alors, il peut tuer le grand personnage.
99. Les disciples lui disaient :
Tes frères et ta mère se tiennent dehors.
Il leur répondit :
Ceux qui font la volonté de mon Père,
ceux-là sont mes frères et ma mère -
ce sont eux qui entreront dans le Royaume de Dieu.
100. Ils montraient à Jésus une pièce d’or et ils lui demandaient :
Les agents de César exigent de nous des redevances.
Il leur répondit :
Rendez à César ce qui est à César.
Rendez à Dieu ce qui est à Dieu
et ce qui est mien, rendez-le moi !
101. Jésus disait :
Celui qui ne haïra pas son père et sa mère, comme moi,
ne peut pas devenir mon disciple.
Et celui qui n’aimera pas son père et sa mère, comme moi,
ne pourra devenir mon disciple,
car ma mère m’a fait pour mourir,
mais ma mère véritable,
elle, m’a donné la vie.
102. Jésus disait :
Malheureux les pharisiens.
Ils ressemblent au chien couché dans la mangeoire des bœufs.
Il ne mange,
ni ne laisse les bœufs manger.
103. Jésus disait :
Bienheureux l’homme qui sait
à quelle heure de la nuit viendront les voleurs.
Il s’éveillera, rassemblera ses forces et se ceindra
avant qu’il ne viennent.
104. Ils lui disaient :
Viens, prions ensemble et jeûnons.
Jésus répondit :
Quelle faute ai-je donc commise ?
Ou en quoi ai-je été vaincu ?
Quand l’époux sortira de la chambre nuptiale, alors
il faudra jeûner et prier.
105. Jésus disait :
Celui qui connaît son père et sa mère
l’appelle-t-on fils de prostitué ?
106. Jésus disait :
Si vous faites le deux – UN –
vous serez Fils de l’Homme.
Et si vous dites : Montagne, éloigne-toi, elle s’éloignera.
107. Le Royaume est comparable à un berger
qui possédait cent brebis.
L’une d’entre elles disparut.
C’était la plus belle.
Il laissa les quatre vingt dix neuf
et ne se préoccupa plus que de l’unique
jusqu’à ce qu’il l’eût retrouvée.
Après sa peine, il dit à la brebis :
je t’aime plus que les quatre vingt dix neuf autres.
108. Jésus disait :
Celui qui s’abreuvera à ma bouche deviendra comme moi,
et moi je serai lui,
et les choses cachées lui seront révélées.
109. Jésus disait :
Le Royaume peut être comparé
à un homme qui possède dans son champ
un trésor caché.
Il en ignore la présence.
A sa mort, il laisse le champ à son fils.
Le fils, ne sachant rien,
prend le champ et il le vend.
Celui qui l’achète vient le labourer,
en labourant, il trouve le trésor.
Il commence à prêter de l’argent à intérêt
pour tous ceux qui en veulent.
110. Jésus disait :
Celui qui a trouvé le monde et s’est fait riche
qu’il renonce au monde.
111. Jésus disait :
Les cieux et la terre s’enrouleront devant vous.
Le vivant, issu du Vivant,
ne connaîtra ni crainte ni mort
parce qu’il est dit :
Celui qui ne se connaît lui-même,
le monde ne peut le contenir.
112. Jésus disait :
Malheureuse la chair qui dépend de l’âme.
Malheureuse l’âme qui dépend de la chair.
113. Les disciples lui disaient :
Le Royaume, quand viendra-t-il ?
Jésus répondit :
Ce n’est pas en guettant qu’on le verra venir.
On ne dira pas : Voici qu’il est là, ou il est ici.
Le Royaume du Père
est répandu sur toute la terre
et les hommes ne le voient pas.
114. Saint Pierre lui disait :
Que Marie sorte de parmi nous
parce que les femmes ne sont pas dignes de la Vie.
Jésus répondit :
Voici que je la guiderai
afin de la faire Homme.
Elle deviendra, elle aussi,
un souffle vivant semblable à vous, Hommes.
Toute femme qui se fera Homme
entrera dans le Royaume de Dieu.
Le sacerdoce
de la femme
La demande que fait aujourd'hui un grand nombre de femmes d'obtenir
l'accès à la prêtrise est-elle justifiée ou non ?
On peut constater d'emblée, avant tout regard porté sur le fond de
ce problème, que la masculinité de l'Eglise dans sa hiérarchie, avec laquelle
elle est si souvent confondue, est quasiment insupportable.
Devant cette constatation brutale, la revendication des femmes
s'inscrit en réaction à cette souffrance comme si la présence de la femme à
l'autel et dans la célébration des divins mystères pallierait ce défaut.
Est-ce juste ?
Il est vrai qu'il y a défaut, mais la
rectification proposée ne tient peut-être pas compte de ce qu'est l'Eglise en
tant qu'image de la Divine Trinité.
Autrement dit le réactionnel est
d'ordre psychique.
La justesse du regard porté sur tout
problème est d'ordre ontologique et se réfère au modèle divin, l'homme devant
respecter sur la terre l'ordre du ciel.
La revendication des femmes semble
d'autre part s'inscrire dans une problématique plus large, comme paramètre
religieux de l'ensemble de ses revendications sociales.
Et nous connaissons l'outrance avec
laquelle le féminisme a mené ses campagnes dans les premières décennies de son
existence.
Ce mouvement a acquis aujourd'hui plus
de sagesse et l'on commence à peine à sortir de la confusion dans laquelle
étaient mêlées la notion de l'égalité des hommes et des femmes, tous êtres
humains à part entière et libres d'eux-mêmes, et la notion des fonctions que
l'on a crues identiques pour les uns et les autres.
Je ne m'étendrai pas sur ce problème
social qui n'est pas celui que je désire traiter ici, mais je le souligne comme
étant, il me semble, l'humus existentiel qui fait le lit de l'actuel problème
religieux.
Nous ne pouvons malheureusement pas le
passer sous silence car s'il est la toile de fond sur laquelle se pose notre
questionnement, d'une part il ne lui est pas étranger et d'autre part il faut
bien avouer que pour nous, chrétiens, qui devrions nous placer d'emblée devant la
contemplation des données ontologiques et donc vivre notre existentiel en
fonction de celles-ci nous faisons bien souvent tout le contraire.
Il faut aussi ajouter que ces données
ontologiques n'ont été que trop occultées par des éthiques religieuses au
service de la masculinité et ne relèvent que d'interprétations encore bien
balbutiantes de notre Tradition judéo-chrétienne quant à ses données
anthropologiques.
Les éthiques relèvent plus de nos états
psychiques que de la Révélation.
Aujourd'hui où le monde est saisi dans
une gigantesque mutation, où les structures de tous ordres s'effondrent, où les
repères culturels disparaissent, les valeurs religieuses qui, en Occident,
n'ont guère dépassé celles d'une bonne morale faussement appelée chrétienne, ne
font plus le poids.
Les interrogations que pose aujourd'hui
le monde devant la montée d'un nouveau déluge de sources scientifique,
économique, social... et la béance de toute éthique génèrent violence et
angoisse.
Elles exigent une "entrée dans
l'arche", c'est-à-dire dans un registre de conscience où président les
vraies valeurs chrétiennes.
Je parle de l'Occident car, bien que
très influencé par lui depuis le siècle des lumières qui l'avait fasciné,
l'Orient chrétien avait gardé les valeurs ontologiques, mais gardé dans une
sorte de ghetto religieux qui ne s'impliquait guère dans le quotidien, au point
que la dimension eschatologique du marxisme proche du peuple les balaya d'un
coup.
Mais le ghetto subsista dans une
purification silencieuse allant jusqu'au martyre et l'Eglise ressuscita sur les
ruines du marxisme avec l'acquisition d'une conscience neuve dans le monde
laïc.
C'est pourquoi le problème qui nous
intéresse en ces pages ne se pose pratiquement pas dans le monde orthodoxe, ou
tout au moins pas de la même manière que dans les Eglises anglicane,
protestante, voire romaine.
Essayons d'entrer dans la vision
ontologique de la prêtrise.
Le prêtre à l'autel est icône du Christ
montant vers l'accomplissement total du Fils de l'Homme et du Fils de Dieu dont
Il réunit les deux natures en Sa Personne.
Il va vers l'UN.
Il unit le ciel et la terre dans un
embrasement de noces.
Il unit pour cela aussi tous les
dualismes, les contradictions et les oppositions de la terre :
l'extérieur et l'au-dedans de l'Homme
ne font plus qu'un et le "grain de blé" devient le "Fils"
(même mot hébreu "Bar" dont le développement constitue le premier mot
de la Genèse, Bereschit, base et Germe de la révélation judéo-chrétienne) ; car
lorsque le Christ dit en hébreu :
Si le grain ne meurt il ne peut porter de fruits (Jn 12,24),
Il dit aussi :
Si le Fils ne meurt, Il ne peut porter de fruits.
A l'autel, et dans la puissance
fécondante de l'Esprit-Saint, le Fils de l'Homme et le grain de blé sont un.
Son sang et le fruit de la vigne sont
un.
Et le Fils meurt et ressuscite dans la
gloire de l'accomplissement somptueux de la création entière.
En tant qu'Il est Dieu, en Christ, il
n'y ni homme, ni femme.
En tant qu'Il est Fils de Dieu
s'incarnant dans le monde créé, Il accomplit une fonction mâle dans la création
qui, elle, est d'ordre féminin par rapport à l'ordre divin.
En tant que icône du Fils de Dieu, le
prêtre ne peut que revêtir un rôle mâle.
Mais il est aussi icône du Fils de
l'Homme.
Qu'est-ce que le Fils de l'Homme ?
Le Christ le distingue très
catégoriquement du fils biologique ; Il dit de Jean le Baptiste qu'il est le
plus grand parmi les fils de la femme (Lc 7,28)
Tout fils né dans les ténèbres du monde
extérieur est fils de la femme, fils de cette humanité encore animale, et, en
tout état de cause, féminine par rapport à Dieu.
Bien qu'Il soit né d'une femme, Marie,
dans le monde des ténèbres extérieures, donc fils biologique lui aussi, Jésus
est essentiellement fils de l'intériorité de Marie.
En Lui qui est Dieu, intérieur et
extérieur sont indissociable ; Il unit les deux pôles de cette unique réalité.
Mais dans sa nature même de Fils de
l'Homme son seul Père est Dieu.
Chacun de nous est ensemencé dans le
Fils, le Verbe qui fonde notre personne.
Mais nous ne le savons pas tant notre
humanité actuelle est encore identifiée à sa dimension animale dans la
situation due 6 ème jour de la Génèse où l'a fait régresser le drame de la
chute.
Nos textes sacrés nous l'apprennent
mais la connaissance que nous en avons reste mentale, tant que celle qui naîtra
de notre expérience intérieure n'aura pas commencé de croître.
Aussi la présence de ce Germe divin en
nous - l'image de Dieu -en laquelle nous sommes crées - reste-t-elle une belle
image assez figée qui ne mobilise pas encore la gestation que nous avons à
assumer de lui ; celle-ci sera la croissance du Fils de l'Homme en chacun de
nous, pour que nous atteignions à la Ressemblance.
Car telle est notre vocation
ontologique.
Pour l'instant, dans cette situation de
6 ème jour, nous n'obéissons qu'à une "programmation" biologique qui
assure la procréation dans les fils (et filles) de la femme, mais le "Fils
de l'Homme" reste ligoté au fond de nous ; celui-ci est le "Fils du
Père", Barabas, l'impie des Evangiles qui, ligoté dans sa prison, est
libéré par la mort et la résurrection du Christ.
L' actualisation vivante de ces
mystères sur l'autel n'a d'autre but que de libérer en nous tous notre Barabas
intérieur et quasi mort ; lorsqu'il est libéré, ce Barabas n'inspire la plupart
du temps qu'une vie moralement juste, dans le cadre des catégories de bien et
de mal.
L'arbre de la connaissance n'est pas
celui du bien et du mal.
Planté en Eden, à l'intérieur de nous,
dans une situation de 7e jour, il est celui de ce qui est accompli du Fils
intérieur et de ce qui n'est pas encore accompli de lui, dans la dynamique de
croissance qui nous conduit à la Ressemblance.
Ce Fils de l'Homme prend racine en tout
être humain, en tout "Adam", homme et femme, dont l'image qui le
fonde est alors fécondée par l'Esprit-Saint.
Si Jésus est Fils de l'Homme dans
l'intériorité de l'Adam total dont l'image a commencé de croître dans la montée
messianique d'Israël, jusqu'à Marie, ce même Fils de l'Homme est appelé à
croître en chacun de nous, Il est la part divine de chacun de nous, un "je
suis en devenir d'être" comme il se révèle à Moïse au Buisson Ardent,
alors que Jésus YHWH assure être le "JE SUIS" de l'Ancien Testament.
Avant qu'Abraham fût, JE SUIS (YHWH) (Jn 8,58).
Ce Fils de l'Homme en nous, d'essence
divine, est mâle par rapport à celui qui le porte et qui en est sa
"mère"&127;, quel que soit son sexe biologique.
C'est pourquoi Jésus ne parlera jamais
a Marie comme à sa mère humaine, biologique, mais comme à celle qui incarne
cette maternité intérieure.
Lorsque les apôtres viennent lui dire :
Ta mère et tes frères te cherchent,
Jésus pose la question essentielle :
Mais qui est ma mère qui sont mes
frères ?
Question à laquelle Il répond aussitôt
:
Vous êtes tous ma mère, et mes frères
(Mt 12,50).
C'est nous, dans notre intériorité,
lorsque nous accomplissons la volonté du Père qui assumons cette maternité.
Et si l'évangéliste Luc dit, au moment
de la naissance du Christ :
Marie mit au monde. son fils premier-né
(Lc 2,6), au pied de la Croix, Jésus désigne à Marie son deuxième fils
intérieur en la personne de Jean, l'apôtre au secret divin, qui est né à cette
dimension intérieure, et à sa suite, tous les grands saints de l'humanité.
Étincelles de sainteté, nous portons en
nous ce Fils de l'Homme en voie d'être.
Lui seul a la fonction sacerdotale de
l'autel.
Il ne peut être représenté que par un
homme.
Cette révélation est d'ordre
ontologique.
Ce ne sont pas les saintes femmes qui
entouraient Jésus qui ont été désignées comme Fils, même si dans leur sainteté
elles l'avaient mis au monde au-dedans d'elles.
Dans l'Eglise, le peuple royal est ce
"vous tous" que désigne Jésus et qui assure cette fonction
matricielle de l'intériorité.
Le peuple royal a une fonction féminine
dont l'archétype est Marie, le prêtre à l'autel une fonction mâle.
Les symboles doivent être
rigoureusement respectés dans l'Eglise, pour que les modèles auxquels ils se
réfèrent répondent.
Faute de la juste correspondance entre
les symboles et leurs archétypes respectifs, l'oeuvre de l'Esprit-Saint ne peut
se faire.
Pourquoi aussi ne pas prendre un gâteau
pour la communion ou du cidre, ou un alcool de riz en guise de vin ?
Non : l'eau, le sel et le blé qui
forment le pain ainsi que le vin sont nettement désignés dès l'Ancien Testament
et confirmés dans les Evangiles comme étant corps et sang du Fils !
Le sacerdoce dont est investi Abraham
par Melkitsedeq, roi de Justice, est conféré par Celui qui fait toute Justice,
c'est-à-dire la terre comme le ciel (Gn 14,18).
Melkitsedeq est d'autre part appelé
"roi de Shalem", c'est-à-dire roi de l'accomplissement des mystères.
On ne peut accomplir ces mystères que
dans le souffle de l'Esprit-Saint et dans la rigueur du Verbe qui unit le ciel
et la terre dans la justesse de leur rapport.
Toute la Tradition nous rapporte que
Melkitsedeq est déjà le Messie, dans une intervention fulgurante auprès de
celui qui va mettre au monde la préfigure du Fils en son Fils Isaac.
Voici ce qui me semble incontournable
en ce qui concerne la réponse à notre essentielle question :
je crains que ces femmes qui ont
demandé de recevoir le sacerdoce dans l'Eglise anglicane - ce sont celles-là
dont j'ai lu les écrits - aient perdu la conscience de l'actualisation présente
sur l'autel de la mort et de la résurrection du Christ - Fils de Dieu et Fils
de l'Homme - ; elles commémorent dans les intentions les plus louables du monde
un événement d'il y a 2000 ans mais ne vivent pas celui de
"l'instant" ; l'événement concerne un tout autre qu'elles, qu'elles "représentent"
mais dont elles ne sont pas "icônes" dans la justesse du rapport dont
je viens de parler.
Il y a des mondes entre ces deux
visions !
L'une est d'ordre émotionnel et reste
prisonnière du temps historique, linéaire, extérieur à nous ; elle crée des
habitudes ; l'autre est d'ordre ontologique qui fonde la Tradition ; elle
s'enracine en l'éternité dont chaque instant de l'Histoire est lourd.
J'ai un peu peur que la fuite massive
vers l'Eglise romaine des prêtres de l'Eglise anglicane, hostiles au sacerdoce des
femmes, ne soit guère motivée par cette analyse ontologique du problème.
La plupart de ces hommes ne fuit sans
doute qu'une situation insupportable dans la mesure où elle vient briser leurs
habitudes.
Mais habitude et Tradition ne relèvent
pas du même plan et ne peuvent être confondues.
Cette habitude religieuse faisait
partie pour eux de toutes celles qui composaient jusqu'ici un schéma de vie
confortable du masculin.
L'homme voit aujourd'hui la plupart de
ces prérogatives lui être arrachées, d'autres remises fondamentalement en
question.
Celle dont nous parlons semblait être
inamovible, et voici qu'elle lui échappe aussi.
Comprenons que cela lui soit odieux.
Mais cette compréhension d'ordre
psychologique ne peut justifier notre aveuglement sur ce qui se passe en
profondeur.
Or, si j'insiste sur la nécessité
fondamentale de la présence de l'homme à l'autel je n'insiste pas moins
maintenant sur l'extrême urgence de la remise en question de nombre de ces
prêtres quant à leur rapport au pouvoir; une volonté de puissance souvent
inconsciente chez eux, et d'autant plus funeste qu'elle est
"inconsciente", constitue cette carapace quasi indestructible des
habitudes de fausse virilité totalement contraire à la virilité spirituelle :
Car c'est lorsque je suis faible
qu'alors je suis fort (2 Co 12,10)
dit l'apôtre Paul qui a conscience de
la seule force juste puisée dans le travail d'accouchement de tout être au Fils
de l'Homme qu'il doit devenir et le prêtre plus que tout autre !
C'est à ce niveau que gît en réalité,
me semble-t-il, le vrai problème et que sévit un malaise dont il faut
maintenant parler.
Bien souvent le prêtre est identifié à
sa fonction et se cache derrière elle ; il cache sa misère derrière son rôle de
pasteur et se croit à la lettre le "pasteur" des "brebis"
qui, elles, composent le peuple royal ; celles-ci, au moins dans son
inconscient, lui doivent obéissance.
Il oublie que, dans la bouche du
Christ, la brebis "Kebesh" signifie "celle qui est soumise à la
volonté divine" ; elle est séparée du "bouc" (Mt 25,32)
"Atoud" qui lui "s'oppose à la volonté divine".
Seul le Christ est pasteur, et il y a
dans cette appropriation du terme, par le prêtre, un abus de langage.
Le vrai pasteur, icône du Christ, est
celui (ou celle qui ) joue un authentique rôle de guide spirituel parce que,
par son propre chemin spirituel, il (elle) se fait brebis et reçoit ce don de
Dieu.
J'introduis ici, dans cette fonction de
pasteur, une éventuelle présence féminine car de nombreuses femmes, de haute
qualité spirituelle, reçoivent ce don de Dieu autant que les hommes, mais elles
sont ignorées.
Cette réflexion m'amène à aller plus
loin dans notre problème.
Je crois qu'il y aurait une façon
certaine de rééquilibrer la situation outrageusement masculine de l'ordre sacerdotal
et d'aider l'homme à se libérer de ce que je viens de dénoncer en envisageant
une participation plus large de la femme à la vie de l'Eglise.
Car j'ose maintenant parler du
"sacerdoce de la femme".
Il n'y a pas que la fonction
sacerdotale du prêtre à l'autel il en a beaucoup d'autres.
Le Christ n'a-t-il pas été entouré
toute sa vie de nombreuses femmes dont il a confirmé les gestes comme dans une
sacralisation de ceux-ci ?
A Marie-Madeleine qui lui oint les
pieds et les cheveux, Il dit que son action sera racontée tout au long des âges
(Mc 14,39).
Mais une fois de plus l'Evangile ne se
réduit pas à un récit commémoratif, il est l'instant éternel au coeur duquel
nous avons à entrer.
Pourquoi restreindre ce moment si
précieux de la vie de Jésus dans son rapport à la femme, à la mémoire d'un beau
geste ?
Le geste de Marie-Madeleine fonde toute action.
Et celui de la samaritaine à qui Jésus
demande à boire - dans un entretien dont les disciples mâles s'étonnent !..
- fonde toute oeuvre que cette eau
symbolise :
don de vie dans le soin porté à
l'autre, dans l'enseignement ; eau qui, reçue par celui dont le coeur s'ouvre à
l'oeuvre de l'Esprit-Saint devient vin, sang et esprit !
N'est-ce pas une femme qui, la
première, reçoit la grâce de rencontrer le Ressuscité et va l'annoncer aux
apôtres ?
Serait-elle alors exclue de ceux
auxquels le Christ, avant son Ascension, donne l'ordre d'aller annoncer la
"Bonne Nouvelle" à toute la terre :
Allez, enseignez les nations, baptisez-les...! (Mt 28,19)
La femme ne peut-elle enseigner,
baptiser, voire confesser ?
Le prêtre allemand Eugène Drewermann a
peut-être dévié par rapport à la foi chrétienne mais cet homme a beaucoup
souffert, et s'il s'est réfugié dans une voie que nous ne pouvons suivre, il
n'en a pas moins dénoncé avec justesse et rigueur l'incompétence navrante de la
plupart des prêtres à recevoir les confessions ; ceux-ci ne sont nullement
préparés à cette rencontre avec les profondeurs de la psyché ; ils n'ont aucune
connaissance réelle de l'âme psychique que les sciences humaines commencent à
percevoir; mais nos sciences religieuses ont porté un injustifiable mépris sur
ces dernières que les clercs ont regardées comme inadéquates à la dimension
spirituelle qu'ils croient détenir !
Cela nous vaut aujourd'hui une fuite de
la confession au profit des "techniques" psychologiques dont
beaucoup, à leur tour, ne portent pas à l'ouverture authentiquement
spirituelle.
Il s'ensuit une situation d'exclusions
dont nous sommes, en tant qu'Eglise, responsables.
Une réelle formation s'impose ; elle
devra tenir rigoureusement compte des sciences psychologiques ouvertes à la
lumière de la transcendance qui fonde l'Homme.
Cette formation sera nécessaire mais
non suffisante car c'est l'intégration de cette connaissance dans un réel
chemin spirituel qui fera d'un être un être à l'écoute de l'autre, capable de
le renvoyer à lui-même et d'y rencontrer Dieu.
Mais cet être sera aussi bien une femme
qu'un homme.
Si le service à l'autel est celui du
Christ, donc de l'homme seul, celui du diaconat est le service des anges.
Chez l' ange, il n'y a aucune
distinction entre masculin et féminin.
Cet ordre était conféré aux femmes
comme aux hommes dans les premiers temps de l'Eglise.
Il est certainement à réintroduire
aujourd'hui dans un cadre qui reste à définir, mais qui doit donner passage au
souffle de l'Esprit-Saint ; et Lui, loin d'enfermer, ouvre à toutes les
dimensions non encore atteintes de la Tradition, que nos volontés de puissance
et nos rapports de force tiennent prisonnières.
De quels trésors d'amour l'Eglise ne se
prive-t-elle pas en confinant la femme ; avec le peuple royal, à leur rôle
faussement entendu de "brebis".
Marie est la "brebis" par
excellence.
Voici la servante du Seigneur qu'il me soit fait selon sa parole
(Lc 1,38)
dit-elle et plus tard :
Faites tout ce qu'Il vous dira (Jn 2,5).
Et parce qu'elle obéit, elle sera
élevée au-dessus de toutes les hiérarchies angéliques :
Toi plus
vénérable que les chérubins
et plus
glorieuse incomparablement que les Séraphins...
Et elle atteindra au sacerdoce dans la
dimension totalement accomplie de la prêtrise.
A cela dès l'âge de trois ans, elle est
appelée.
Dans le temple elle grandit et sans
doute ne soupçonne-t-on pas de quel feu elle s'y est laissé ciseler par Dieu,
en ciselant avec Lui les entrailles d'une terre virginale d'où germera le
Sauveur du monde.
©
Annick de SOUZENELLE.
UNE LECTURE JUDEO-CHRETIENNE de cette fin
du deuxième millénaire
-------
Oui, le deuxième
millénaire de notre ère ferme ses portes ; une étape de notre histoire s'achève
; un temps s'éteint.
Mais qu'est-ce que le
temps ?
C'est en osant poser
cette question qu'il me semble pouvoir regarder avec le plus d'objectivité
possible cette mort qui vient, comme je regarde venir la mienne.
"Le temps
existerait-il sans l'âme ?" demandait Aristote.
Alors que nos
philosophes modernes, peut-être plus pessimistes, peut-être se rapprochant de
lui tout en exprimant autrement leur pensée, affirment par exemple ceci :
"Le
passé n'est plus, l'avenir n'est pas et le présent n'est rien".
(O.
Hamelin : "Essai sur les éléments principaux de la représentation" -
1925) ce qui amène Marcel Conche ("Temps et destin" -1992) à dire que
"le temps ne se laisse pas saisir en lui-même ; il ne se montre que
nié".
Au coeur de ce
"temps nié", du "présent qui n'est rien", ne
rejoignons-nous pas la question d'Aristote ?
Car il me semble
entendre la voie négative des deux philosophes entrer en résonance avec celle
des théologiens de l'âme humaine.
"Dieu
ne crée-t-Il pas tout de Rien ?" (2.Macch.7,28).
Le malentendu
qu'introduit cependant la traduction du "Me Ayin" hébreu ne peut
éclairer le sens du texte originel, notre concept de "Rien" ne
correspondant aucunement à ce que ce premier NOM divin révélant l'Innomable
nous apporte.
Ayin, ce tout premier
NOM est celui du Dieu Incréé qui, en tant qu'Il crée, se fait "Rien"
pour que soit le créé.
Il exprime l'extrême
contraction divine, la totale abnégation, l'infini retrait - que le grec
appelle "Kenosis"", l'hébreu, "Tsim-Tsoum" - en un
point ultime encore appelé par cette même tradition hébraïque, le
Point-d'en-haut, celui qui est, et qui n'est point..... .
Ce Point, ce Rien, qui,
appliqué aux mathématiques et ne pouvant être démontré est l'axiome de base de
toute cette science, n'est-il pas Celui qui fonde l'âme humaine "créée de
Rien", "Me Ayin" ?
Et ce "Me
Ayin" lui-même ne nous laisse pas ignorer que "nous sommes de race
divine", comme l'affirme l'apôtre Paul à Athènes, au milieu de l'Aréopage
(Actes 17, 28-29) :
nous
sommes "Myn" l'espèce de " A (leph)", Elohim, "de la
race d'Elohim".
C'est en cette pointe de
l'âme, dans l'image divine, noyau de tout être, que nous venons de Lui se
faisant "Rien" pour que nous soyons en la semence du Saint NOM YHWH.
YHWH est le présent du verbe
être en hébreu : JE SUIS.
"JE SUIS", cet
Instant qui n'est Rien, est là en nous.
Insaisissable, Il nous
fonde.
Pour nous chrétiens, Il
est le Christ qui dit de Lui "JE SUIS" :
"Avant
qu'Abraham fut, JE SUIS" (Jean 8, 58).
Tout être humain entré
en résonance avec le "Je SUIS" de son être, avec ce "point
zéro", à la "source" - Ayin - de lui-même, vit ce que nous ne
pouvons appeler qu'un "temps intérieur" dont le temps extérieur est
une superposition.
Passé-présent-futur ne
rejoint ce temps intérieur que dans l'instant, lui-même lourd d'éternité.
L'éternité est un
troisième temps (ou plutôt un non-temps ! ), divin celui-là ; transcendant le
créé, inconnaissable, il se fait cependant immanent à lui dans un connaissable
de chaque instant.
Expérience inouïe que
celle-ci et que seul l'homme appelé par la Bible l'Adam du septième jour, est
capable de faire.
A cette étape seulement
il devient apte à "travailler sa terre intérieure - la Adamah" -,
car, entré en résonance avec son NOM secret - JE SUIS - qui n'est encore qu'un
"Je suis en devenir d'être" (Ex. 3,14), il peut coopérer avec son
Dieu à devenir totalement Lui.
Ce temps intérieur, bien
des langues archaïques en rendent compte (retrouvé chez les Amérindiens Hopis
par exemple) ; chez les Hébreux il est appelé "accompli et
inaccompli", ces deux pôles étant ceux de I'Arbre de la Connaissance
planté au coeur de chacun de nous, avec l'Arbre de Vie dont sans doute la sève
fait couler la puissance de "l'Instant" et permet d'accomplir.
Pour l'Homme du septième
jour, l'Homme éveillé, l'Arbre de la Connaissance qu'il est, n'est plus celui
"du bien et du mal", mais celui "de ce qui est devenu
lumière-conscient et de ce qui reste encore dans les ténébres de
l'inconscient".
L'inconscient est invité
au retournement radical vers ce devenir lumière, en chaque Instant.
L'Homme du septième jour
est "âme vivante" ; il entre en dialogue avec son Dieu intérieur ; il
est dans son Alliance et construit en elle sa vraie
"personne".
Bien sûr cet homme (ou
femme) est inscrit dans le temps extérieur, mais lorsqu'au coeur de celui-ci
l'instant est vécu dans la plénitude de sa charge divine, ce temps est
illuminé.
C'est l'horloge de l'âme
où bat le coeur divin qui est juste.
Et l'homme désinserré de
son âme, sourd au coeur divin, totalement projeté à l'extérieur de lui-même, en
exil de lui-même - et donc de Dieu - est dans une illusion d'être, dans une
illusion de temps puisque l'instant n'est plus.
L'instant vide de Dieu
est la proie du grand illusionniste dévoreur de l'être, semeur de mort, le
Satan.
Kronos le dieu du temps
chez les grecs dévore ses enfants.
Ha Et "le
temps" hébreu est le "signe de la source" de l'être ; il déroule
dans le monde ce qui n'est vie qu'en tant qu'il symbolise cette source, le
Saint NOM.
L'instant de ce temps
est alors "Nishemah", le souffle, l'âme !
Vide de l'âme, le temps
devient dans l'énergie de ses lettres errance, trouble, voire tromperie.
Dans ce vide existentiel
de I’instant I’homme court de plus en plus vite cherchant inconsciemment en dehors
de lui l'absolu de l'Instant !
Il se donne une
impression de puissance en embrassant tous les espaces extérieurs à lui.
Cette hâte est un aspect
des "épines" que produit l'épouse non épousée (la Adamah-mère appelée
Ishah en tant qu'épouse) de l'intériorité de l'Adam "en chute",
épines appelées "Dardar" en hébreu (Gen. 3,18) !. . . .
Elles sont témoins de
l'aridité d'une terre non cultivée et de ce fait livrée aux pouvoirs de la
mort.
En arrivant au monde,
nous sommes cet Adam ; dans le collectif, nous sommes celui-là que chaque
instant griffe des épines du temps dans une sorte de régression à l'état de
sixième jour de la Genèse, en lequel l’homme n'a pas fait alliance avec le JE
SUIS de son être.
Dans la première partie
de sa vie, chaque être humain encore identifié au collectif est celui-là ; il
est encore confondu avec les puissances animales qui constituent le potentiel
des énergies non accomplies de son Adamah ; il est alors soumis à la loi qui
maintient ces puissances derrière les grilles des interdits sans pour autant
leur permettre de s’accomplir.
Mais douées d'autonomie,
ces puissances peu à peu le détruisent à moins qu'un retournement radical de
l'homme ne lui permette de les saisir pour les accomplir.
Ce dernier passe une
porte essentielle qui l'introduit dans une situation de septième jour où il
sort du conditionnement de chute et recouvre les normes ontologiques.
Cette nouvelle naissance
devrait être connue de chaque être humain dans la seconde partie de sa vie.
N'est véritablement
adulte que "l'homme du septième jour".
Dans cette perspective
il est particulièrement intéressant d'aller plus loin dans la méditation autour
du mythe fondateur de notre Tradition, en étudiant l'histoire de Qaïn.
Fils d'Adam, premier
homme né dans cette situation de chute, Qaïn devient meurtrier ; il tue son
frère Abel.
Les descendants de Qaïn,
pendant six générations qui expriment par leur nom les conditionnements de vie
conséquentes au crime sont sans âge, comme hors du temps.
Elles sont sans âge car
ne cultivent aucun espace intérieur, comme si le temps Iinéaire
passé-présent-futur dont le présent est vide de Dieu ne comptait pas pour
l'auteur biblique qui ne conte ici que l'évolution intérieure de l'Adam.
Ces générations sont
remplies de souffrance, et le sixième descendant Metoushoel est celui qui
"demande la mort", ou une "mutation", en tous cas un
"changement" car il n’en peut plus.
Son fils, septième
descendant, est Lemekh, celui qui va "vers l'écrasement", au
maximalisme de la souffrance, celui-là se retourne vers son intériorité sous le
symbole de ses épousailles avec deux femmes, Adah et Tsilah dont les noms
renvoient respectivement au temps et à l’espace de l’au-dedans de lui.
Lemekh s'adresse à
elles et les supplie de l'entendre, disant :
"Jai
tué un homme pour ma blessure, l'engendré pour ma guérison".
Dans les profondeurs de
son être Lemekh voit son crime et le confesse ; il entre alors dans la
conscience du pardon divin.
Lorsque les cieux
intérieurs sont pénétrés, les cieux divins s'ouvrent et l'homme voit Ia
Rédemption coexistante à la chute car présente en la Présence de JE SUIS, de
toute éternité.
L'Instant devient lourd
de LUI.
Ce septième descendant
passe du sixième au septième jour de son être.
Alors Adam connaît à
nouveau Eve, sa femme, et elle met au monde un fils Shet, "le
fondement" car, dit-elle :
"Dieu
m'a établi en fondement une autre semence à la place d'Abel que Qaïn a
tué".
Dieu établit une
nouvelle Genèse, un nouveau "Bereshit" en lequel l'homme commence son
accomplissement car en ces temps nouveaux "l'on commence à célébrer le
Saint NOM YHWH" ; I'instant chargé du Saint NOM, chargé d'éternité, ouvre
Ies temps intérieurs.
A cet
"instant", commence une nouvelle généalogie : chacun des patriarches
- dix patriarches d'Adam à Noé - nous est présenté riche d'âges car
s'enrichissant de nouveaux espaces intérieurs conquis :
Adam
a 130 ans Iorsqu'il engendre Shet ; après la naissance de Shet il vit encore
800 années pendant lesquelles il met au monde des fils et des filles.
Adam
vit en tout 930 ans et il mute.
Ces trois nombres
d'années accompagnent le nom de chacun des dix patriarches - comme le nom de
chacun d'eux, ces nombres-étapes de leur vie sont signifiants et nous
introduisent dans la véritable Histoire de l'humanité, celle de ses engendrements
intérieurs, maintenant qu'elle a atteint à une dimension d'Homme pour aller
jusqu'à celle de l'Elohim qu'elle est appelée à devenir.
Noé, dixième descendant,
"se marche l'Elohim......" ; il atteint à cette dimension et, en ce
sens "est prémices du Messie à venir" (St Hilaire de Poitiers, Traité
des Mystères, XIII).
Ce schéma fondateur de
l'histoire humaine s'applique une première fois à celle du peuple juif depuis
Abraham jusqu'au Christ.
Depuis Ie Christ qui
enjoint à ses apôtres d'aller enseigner toutes Ies nations et de les baptiser
au nom de la Divine Trinité, ce même schéma s'applique désormais aux nations, à
chaque être humain au sein d'elles toutes.
Au niveau personnel comme à celui du collectif, la
loi ontologique qui préside à l'accomplissement de l'humanité amène l'Homme à
un moment très précis de sa vie à être Ie Lemekh biblique, c'est-à-dire à faire
un retournement radical vers son intériorité, sa "Adamah-mère" des
profondeurs pour "l'épouser" et puiser en elle, dans l'instant devenu
vivant, Ia lumière qu'elle tenait jusque Ià scellée dans ces ténèbres.
Il est alors important
d'ouvrir l'oreille aux deux "Bereshit" de notre Tradition dont le
premier - celui de la Genèse - introduit à I'ontologique qualité du créé, celle
que tout être porte secrètement en Iui, en amont de la situation de chute, et
dont le second - celui de Saint Jean l'évangéliste - reconduit à ces normes
ontologiques divinement recouvrées après la chute.
"Dans Ie principe
Dieu crée les cieux et la terre", dit la Genèse.
Les cieux Shamaïm sont à
l'intérieur de l'Homme ; ils sont faits du Saint NOM Shem noyau de l'être caché
au coeur des Eaux Maïm ; et Ia terre Erés est la lumière Or qui sort des eaux
sous l'action conjuguée de l'Homme et de Dieu dans l'Instant riche du Saint
NOM.
"Dans le principe
est le Verbe", dit l'apôtre Jean, et le Verbe est le Saint NOM.
L'Histoire de
l'humanité, celui de chaque personne et celle de chaque peuple ne commence qu'à
partir de cette écoute et du retournement qu'elle exige.
Lemekh septième
patriarche est l'archétype de celui qui assume ce retournement et qui fait
fracture dans l'Histoire ; ses ancêtres enfouis dans l'inconscience de I'exil
et sans âge ne sont que dans une sorte de pré-Histoire, dans une situation de
"sixième jour" où I'Adam confondu avec la Adamah de son intériorité
ne peut la cultiver et ne dépasse pas sa condition animale.
Mais Lemekh qui se
retourne vers sa Adamah-mère et ses descendants avec lui commencent l’Histoire,
dans une situation de septième jour où différenciés de leur intériorité, ils
peuvent se tourner vers elle et l’épouser.
Au niveau des grands
personnages bibliques, c'est au moment de la levée de leur stérilité que se vit
ce retournement de leur histoire.
Au niveau du peuple
juif, c'est au temps de sa sortie d'Egypte. (dans ce contexte, I’Egypte, terre
d'esclavage est celle de l'exil et de l'inconscience).
La Pâque fait naître ce
peuple à une situation de septième jour.
D'une façon tout aussi
précise, l'enfant dans le ventre de sa mère se développe en obéissant à une
première programmation inscrite dans le NOM secret qui le fonde, jusqu'au
sixième mois, étape à laquelle il est anatomiquement et physiologiquement
construit.
II semble que les trois
derniers mois de sa gestation obéissent à une toute nouvelle programmation
délivrée par le NOM, beaucoup plus subtile et qui, tout en continuant de faire
croître l'enfant selon les premières données, l'informent secrètement de son
identité.
Celle-ci s'exprimera
après sa naissance dans sa personnalité, le premier "moi" qui
construira une situation de "sixième jour" puis dans sa personne le
vrai "JE SUIS" de son être qui déroulera la sève de son arbre dans la
fécondité d'un septième jour.
Toute vie obéit à ce
grandiose schéma où le passage "du 6 au 7" s'impose comme capital.
On est alors en droit de
se demander à quelle étape de cette glorieuse gestation correspond la fin du
deuxième millénaire que nous vivons aujourd'hui, nous qui appartenons au temps
des nations et qui ne semblons pas sortis de notre "pré-Histoire"
.........
L'Instant de la vie des
peuples est encore le "rien" vide de sens, vide de la relation à L'UN
; il laisse l'Homme altéré de communications tous azimuth, ivre de vitesse et
de compétitions qui hypertrophient son "moi" énucléé.
Le grand Adam des
nations est sourd et aveugle ; il ne sait ni goûter ni toucher ce qui palpite
au coeur de toute chose ; il ne sait en respirer le parfum.
Partout Qaïn tue Abel ;
il construit une civilisation fascinante et meurtrière qu'il vénère, voire
déifie.
Accumulant les pouvoirs,
il se fait conquérant du cosmos, ignorant qu'il est d'avoir à épouser son
royaume intérieur.
Tout est compensation.
Sans conscience il
manipule la vie et stérilise le Germe divin qui le fonde ; il ouvre le noyau de
l'atome faute de pouvoir devenir celui de son NOM.
Il multiplie ses
souffrances.
Les valeurs qui
présidaient jusqu'à aujourd’hui à cette démarche labyrinthique s'effondrent et
les vieilles structures qui ne veulent pas mourir s'efforcent de leur redonner
leur lustre perdu en les radicalisant dans de détestables intégrismes.
En effet une mort est là
que nous avons à vivre - mort dans le sens de "mutation" car elle ne
peut être entendue qu'inséparable de sa face encore cachée, la résurrection -
Cette mort ressemble en effet à la destruction qui préside au septième jour de
la Genèse, "jour terrible" où "Dieu détruit les cieux et la
terre qu'Il a faits". (Gen. II,1-2)
Dieu ne détruit pas ce
qu’Il crée, mais ce qui a été fait du créé dans cette première
étape de vie du sixième jour créé Image de Dieu, appelé à être fait à Sa
Ressemblance.
L'Homme ne peut être
maintenu indéfiniment dans son labyrinthe animal ; le luxe de ce dernier cache
aujourd'hui son total délabrement.
Nous sommes au coeur
d'une gigantesque mutation.
L'heure d'un septième
jour n'a-t-elle pas sonné pour l'humanité ?
L'image qui s'impose et
qui semble plus adaptée à notre réflexion est celle que j'emprunte à l'apôtre
Paul lorsqu'il dit que :
"jusqu'à
ce jour la création tout entière gémit dans Ies douleurs d'un enfantement....
Ce sont-là, ajoute-t-il, les prémices de l'Esprit" (Hom. 8,22)
Aujourd'hui, l'Espritde
Dieu exprime son exigence d'accomplissement en l'Homme.
Comme à la fin d'un
sixième mois de gestation, le grand Adam est maintenant construit dans son corps
physique.
Mais il est en même
temps mobilisé tout entier pour acquérir une autre qualité d'information,
d'ordre psychologique celle-ci, voire spirituel.
Je suis alors frappée de
ce que nous disent les Evangiles concernant le temps de la naissance du Christ.
La montée messianique,
cette exigence absolue de l'Esprit, ne se serait-elle pas faite tout au long
d'un cinquième mois de gestation de l'Adam, au coeur du peuple hébreu, sorte de
"phylum" privilégié de l'humanité, élu à faire croître "Je SUIS
en devenir", pour que le Christ affirmant être la réalisation de JE SUIS
ouvre l'étape du sixième mois de ce grand'oeuvre ?
Le cinquième jour de la
Genèse préside à Ia création des premières "âmes vivantes".
"L'âme
vivante" du peuple hébreu fleurit en Marie, mère du Christ qui reçoit la
visite de l'ange annonciateur de la naissance divine au sixième mois de
I'année.
Sitôt fécondée de
l'Esprit-Saint, elle rend visite à sa cousine Elisabeth qui, enceinte de
Jean-Baptiste, est au sixième mois de sa grossesse : les deux enfants se
rencontrent et Jean-Baptiste le dit en faisant un bond dans le ventre de sa
mère, comme au sixième mois de la vie intra-utérine l'enfant prend contact avec
le noyau de son être, son NOM secret qui l'informe de Ia toute nouvelle programmation
indiquée plus haut.
Jean-Baptiste marque en
effet un grand tournant de l'humanité :
"Jusqu'à
Jean vous avez eu la. loi et les prophètes ; depuis Jean, le Royaume est
annoncé, et chacun pour y entrer doit pénétrer sa violence",
dit
le Christ qui désigne ainsi celui qui sera décapité (Luc 1 f ,1 f ).
Symboliquement le grand
Adam met une nouvelle tête sur ses épaules avec Jean l'Evangéliste.
L'apôtre "au secret
divin" ouvre avec le Christ, me semble-t-il, le sixième mois de gestation
de cette humanité nouvellement informée qui, deux mille ans plus tard, est
encore sourde à un message aussi radicalement révolutionnaire.
Pendant cette montée du
sixième mois, c'est dans un nouveau "phylum" privilégié - une très
petite partie de l'Eglise chrétienne, nouvelle Marie - que ce message a
commencé d'être entendu et vécu.
Mais les nations sont
encore sourdes.
En faisant un choix
d'agnosticisme, leurs dirigeants ont cru opter pour la neutralité et la liberté
- conséquences normales des abus de pouvoir de cet autre aspect de l'Eglise.
Mais aujourd'hui, à
l'acmé de l'absurde où ont conduit ces divers mouvements réactionnels, propres
à la démarche "à quatre pattes" inhérente au Iabyrinthe, il convient
d'être à l'écoute pour trouver le chemin de la verticalisation.
"Lève-toi
!" dit Jésus à la petite fille déjà morte.
"Marche
!" dit-II au paralytique
"Sors
!" dit-Il encore à Lazare puant dans son tombeau.
Nous sommes tous ces
morts et paralytiques, aux pieds de Celui qui détient en chaque Instant de
notre vie, le secret de notre verticalisation.
Car c'est autour de la
naissance, de la mort et de la résurrection du Christ, fils de l'Homme
intérieur, et Fils de Dieu, qui donne ouverture à toute situation de septième
jour que se vit le pivot de l'histoire des hommes ; pivot de l'histoire
intérieure de toute l'humanité dans la personne de chacun depuis le
commencement des temps lorsque celui-là, entre dans le souffle de l'Instant de
son être ; pivot de l'histoire collective du grand Adam qui à l'aube du sixième
mois de sa gestation a vécu l'Instant du Ressuscité dont chaque instant de ces
deux millénaires passés vibre encore et plus que jamais dans l'intensité d'une
nouvelle exigence d'accomplissement.
Tout nous porte à croire
qu'un Lemekh commence à se dresser dans l'antichambre du troisième millénaire.
Il convoque Adah et
Tsilah, le monde féminin, vers lequel il se retourne enfin.
La femme s'éveille -
cela devient un poncif de le dire - ; elle s'éveille au niveau social - autre
poncif - ; mais ce dont iI est important de parler c'est de l'éveil de ses
profondeurs.
Indissociable du féminin
- Adamah -, mère-épouse de l'Adam, elle est plus immédiatement concernée que
l'homme par Ie séïsme qui ébranle fondamentalement l'humanité et qui ne semble
marquer la descente dans le soir nécessaire à la naissance d'un septième jour.
Elle met au monde,
telles les femmes de Lemekh, ceux qui habitent leur intériorité et soignent les
troupeaux de leur être (l'éveil des sciences de la psyché), ceux qui font
fonctionner leur cerveau droit dans la musique et les arts, ceux qui assument
le baptême de feu auquel les grands forgerons de nos mythes ont toujours invité
pour faire la beauté (I'éveil spirituel) ; à l'intérieur comme à l'extérieur
d'elle, la femme est inscrite dans cette vocation, mais aussi I'homme qui
épouse son féminin.
Ce dernier est plus lent
à entendre ce langage qui le déstabilise si radicalement par rapport à son
ancien statut.
Mais l'éveil du féminin
le conduit vers ce même éveil ; il faudra bien qu'il prenne le chemin de
"la Belle au bois dormant"...
Se retournant vers son
féminin Lemekh voit ses cieux intérieurs, l'inconscient lourd du Saint NOM ; il
confesse son péché.
Depuis Freud
l'inconscient ne peut plus être ignoré, depuis Jung le soi murmure le Saint
NOM.
L'Homme commence à
demander pardon.
Le chancelier Helmuth
Kohl, au peuple juif, pour Ia Shoa ; le roi d'Espagne Juan Carlos, à ce même
peuple pour l'avoir chassé de son Pays il y a cinq cents ans ; le Pape Jean
Paul II pour les nombreuses fautes de I’Eglise romaine depuis tant de siècles,
l'Homme commence à aller vers son frére : Ie Pape Paul VI allant au-devant du
Patriarche orthodoxe Athénagoras pour annuler avec lui l'anathème porté l'un
contre l'autre en 1054 ; Nasser se rendant à Jérusalem pour rencontrer Beghin,
Shimon Peres et Ytshaq Rabin serrant la main de Yasser Araphat....... et
combien d'autres !
Or, à partir de Shet,
nouvelle "semence" donnée à Adam pardonné de Dieu, à la place d'Abel
que Qaïn a tué "on commence à célébrer le Saint NOM YHWH".
Aujourd'hui les
chrétiens de toutes confessions apprennent à se nourrir de la prière du Saint
NOM de Jésus.
Dernièrement le comédien
Claude Laugier a "gagné Ie pari, m'a-t-il dit, de planter en plein Paris
la prière du Saint NOM de Jésus, en jouant "le récit du pélerin
russe" dans la crypte de Saint Sulpice, spectacle qu'iI a dû prolonger de
plusieurs mois et qu'il a porté par la suite dans les provinces de France.
De nombreux centres
charismatiques fleurissent dans le monde ; des groupes de prières surgissent en
maints endroits, les monastères vidés pour un grand nombre voient revenir vers
eux beaucoup d'âmes en quête de Dieu ; les stages organisés dans cette même
recherche pullulent ; beaucoup relèvent plus du "New Age" que d'une
authentique Tradition, mais pouvions-nous échapper à ce phénomène réactionnel
après l'étouffement religieux des siècles passés et du début de celui-ci ?
En soit le "New
Age" malgré sa connotation si péjorative est témoin de I'unique montée de
sève d'un peuple assoiffé de Dieu, même si la sève s'égare un temps.
Les retrouvailles avec
le corps, lequel est inséparable de l'Esprit quand celui-ci s'éveille, sont un
autre témoin, de même que le travail manuel enfin revalorisé, icône directe de
l'oeuvre divine dans les coeurs, en ces "deux mains du Père" que sont
Ie Fils et l'Esprit-Saint.
Dans ce même monde du
travail les entreprises commencent à sentir que Ie facteur économique n'est
plus seul prioritaire mais que les valeurs humaines comptent, valeurs
psychologiques tout d'abord, elles-mêmes étant en train de balbutier leur
exigence d'une dimension plus profonde de l'Homme.
Enfin les pays marxistes
plus écrasés que tous dans leur âme chantent plus que tous aussi la gloire de
Dieu.
Bien sûr iI y a I'ombre
de ce grand arbre qui jaillit des profondeurs.
Il n'est pas encore
I'heure de midi........
Faut-il même parler
d'aube ?
La nuit semble encore
profonde et la lumière encore cachée au coeur de l'arbre.
Mais il est là, cet arbre
; il est là grandissant comrne a grandi le peuple d'Israël au coeur de l'Egypte
avant la Pâque.
Les plaies se sont alors
accumulées sur l'Egypte - nous les vivons - mais ces mêmes épreuves étaient
"merveilles de Dieu" pour l'Hébreu car, dans des profondeurs
insoupçonnées elles construisaient son coeur, le rendant prêt à quitter la
terre de servitude "pour aller servir son Dieu YHWH au désert".
Tel Lemekh, tel l'Hébreu
en Egypte, l'Homme n'est-il pas aujourd'hui en train de retrouver son âme ?
Malgré tous les
raidissements structurels de ceux qui refusent de mourir à ce qui était et
ceux-là risquent d'en mourir ...
Dans une sorte de levain
qui n'a pas encore été réintégré à la pâte l'Homme me semble avoir amorcé son
cheminement vers sa véritable Histoire, celle dont le temps se soulève déjà
dans la respiration de l'Instant divin.
L'Heure d'un septième jour a sonné, "jour terrible" où Dieu détruit "l'égyptien" que nous sommes ; appelle "l'hébreu" que nous sommes aussi, car dit-Il :
"Je
me tiens à ta porte et je frappe" (Apo.3,20)
Ó Annick de SOUZENELLE.
1° EPITRE DE
SAINT PAUL - AUX CORINTHIENS -
1,CORINTHIENS -13-
L'Amour fraternel
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1-. Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des
anges, s'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne,
une cymbale retentissante.
2-. Quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les
mystères et de toute la connaissance, quand j'aurais la foi la plus totale,
celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je
ne suis rien.
3-. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je
livrerais mon corps aux flammes, s'il me manque l'amour, je
n'y gagne rien.
4-. L'amour prend patience, l'amour rend service,
il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil,
5-. il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne
s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune,
6-. il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il trouve sa joie
dans la vérité.
7-. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout.
8-. L'amour ne disparaît jamais.
Les prophéties ?
Elles seront abolies.
Les langues ?
Elles prendront fin.
La connaissance ?
Elle sera abolie.
9-. Car notre connaissance est limitée et limitée notre prophétie.
10. Mais quand viendra la perfection, ce qui est limité sera
aboli.
11. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais
comme un enfant, je raisonnais comme un enfant.
Devenu homme, j'ai mis fin à ce qui était propre à l'enfant.
12. A présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse,
mais alors, ce sera face à face.
A présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis
connu.
13. Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l'espérance et
l'amour, mais l'amour est le plus grand.
NB : Comptez le nombre de fois ou le
terme "Amour" est écrit dans ce texte !